La Chine d’en bas, livre ha-llu-ci-nant !

Le titre n’est pas vraiment approprié pour ce livre proprement hallucinant de Yiwu Liao. Car ce ne sont pas que les bas-fonds chinois qu’il décrit mais aussi les gens qui ont touché le fond. Différence de taille. Le titre anglais est « The corpse walker, real life stories, China from the bottom up ».
Il y est question en effet de propriétaires terriens déchus par Mao et sa réforme agraire, jetés hors de chez eux, parfois exécutés devant leur famille, parfois torturés de maintes façons. Il y est question de musiciens, de gens de la classe moyenne dénoncés comme opposants, contre-révolutionnaires, et traités pire que des chiens. Ou de porteurs de cadavres car il n’y avait pas d’autres moyens de rapporter les morts à leur famille. De nettoyeurs de toilettes, de professeurs envoyés aux champs, de chanteurs ou musiciens des rues interdits d’exercer, d’un somnambule aussi, bref de toutes sortes de gens aux parcours calamiteux.
Liao Yiwu, ex-poète devenu clochard puis journaliste (lui-même emprisonné et torturé) a recueilli cette manne auprès de personnes, certaines très âgées, ayant survécu à d’ignobles traitement, à peine croyables. Ce sont des témoignages de première main. Ce qui s’est passé en Chine a été monstrueux. C’est une chose de dire que 30 millions de personnes sont mortes de faim suite à un plan complètement foireux des dirigeants, c’est autre chose que d’entendre le récit vécu par ces gens de peu, souvent des paysans n’ayant plus le droit de cuisiner chez eux, voyant mourir leurs enfants, et parfois les mangeant. Ou cette mère qui enferme son fils dans un trou creusé dans son champ pour le sauver de la condamnation, qui y est resté tapi deux ans et en est ressorti comme un zombi aveugle, exhibé dans les village comme traitre et toujours maltraité. Ou des témoignages très récents comme le récit d’une adepte du falun gong (voir Wiki), violemment réprimé par le régime, cruellement même pour cette femme qui continue à le pratiquer malgré les exactions.
Beaucoup d’anecdotes sont assez triviales sur le comportement de paysans en ville, ou  la cruauté des prisonniers bizutant les nouveaux, d’autres sont touchants sur un renoncement à une vie confortable pour cause d’amour. Il y a aussi cette décision de Mao de tuer tous les moineaux car ils mangent les semences. Tous les moineaux morts, la Chine, pourrie par l’invasion des insectes…
Ce livre foisonne, c’est une mine d’enseignement sur la vie, les vies, en Chine de ces dernières décennies. C’est hallucinant, proprement incroyable de cruauté, d’avidité, d’injustice, mais aussi d’endurance aux brimades et exactions de toutes sortes.
C’est un gros livre qui peut se lire petit à petit mais attention de ne pas déranger votre compagne/gnon de lecture avec l’envie permanente de partager vos étonnement.

Voir le très intéressante interview de Yiwu Liao dans le Monde (qui date de 2010).

La Chine d’en bas par Liao Yiwu aux édition 13ème Note, 2014 pour la France. 480 pages.

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