Ce portrait de moi est très moche, il n’est pas de Sam Lévin.
J’ai quatorze ans, mon premier blue-jeans
et des sabots en bois rapportés de Senigallia,
qui font un bruit d’enfer sur le bord de l’Adriatique.
A quatorze ans, je mesure comme ma sœur de onze.
Ma sœur de seize est une grande perche.
Plus tard, on aura la même taille.
J’ai enfin mes règles et ma mère claironne la Marseillaise
à l’adresse de mon père qui plante ses œillets d’Inde et s’en fout.
Ma mère adore Enrico Macias que je déteste
mais elle aime aussi Paul Anka qu’on est allées voir à l’Olympia
parce qu’il y avait Colette Renard en vedette
et Maurice Baquet en attraction.
Ma mère est insomniaque et fait cuire ses ragouts à six heures du matin
dans l’odeur du café en écoutant Maurice Biraud, son Bibi.
Je n’ai pas encore embrassé de garçon,
ça ne m’a pas traversé l’esprit
mes glandes sont de grandes feignasses
je suis amoureuse de tous les beaux mecs célèbres,
Invahoé, Johnny, Bob Asklof, Captain Troy…
Mon père est conseiller fiscal, je ne sais pas ce que c’est,
et ma mère agent immobilier dans le Sentier
elle a trouvé le premier bureau à Gilbert Trigano.
On habite dans une maison zarbi entourée de troènes et fleurie de lilas.
Le dimanche dans la rue, les hommes bichonnent leurs voitures
qu’ils font reluire à la nénette
la rénette c’est un manche en bois avec des poils au bout
quand t’as une voiture t’as une nénette
rien à voir avec cette pub qui disait
il a la voiture il aura la femme…
En ce temps-là les hommes savent mieux
ce qu’il y a sous les capots
que sous les jupes de leurs femmes.
je ne sais pas si ça a beaucoup changé.
C’est pas bien grave puisque BB aime Charrier
elle a eu son bébé elle pose pour Jours de France
et la France est heureuse.
Image et texte © dominique cozette