Métro, mettre haut, mais trop…

Blafards et las, penchés sur nos journaux, Direct 8 le disputant au Parisien, sur nos lectures allant du Comment faire l’amour à un oeuf à Toutes les recettes à base d’homme, ou l’inverse, sudokusant, cruciverbant, tapotant sur nos mobiles, bref composant cette vaste faune du métro de fin de journée, n’espérant pas grand chose de la soirée à venir qui sentait déjà le plat industriel réchauffé au micro-ondes, le téléfilm relatant les brèves amours d’un SDF et d’une CDD, la pêche aux vidéos à poster sur FB, ou le boulot à finir chez soi  lorsque le message du conducteur commença son voyage dans nos oreilles, sous les casques des mains-libres et ipodistes, puis dans les conduits cerumenisés avant frapper sur nos tympans puis de slalomer dans les osselets, marteaux, étriers, enclumes, s’essuyer les pieds dans le vestibule avant que de — je schématise — parvenir au cortex. Où il aurait pu se fondre et mourir s’il n’avait continué, gai et plein d’espoir, à nourrir nos oreilles.
Ce message disait : “Mairie d’Ivry, terminus. la descente s’effectuera du côté gauche dans le sens de la marche (une bonne nouvelle car il y a alors une sortie en tête). Je vous souhaite une excellente soirée chez vous, prenez beaucoup de plaisir ! Pour ceux qui sont deux, je souhaite de l’amour. Pour ceux qui sont seuls, je souhaite de l’espoir et pour ceux qui vont travailler, je souhaite du courage. A tous, je souhaite de la joie et une nuit agréable. »
Nous avions tous décroché de notre activité pour mieux écouter. Les yeux s’arrondissaient, les sourires naissaient, les colonnes vertébrales s’assouplissaient, les cerveaux s’adoucissaient. Nous descendîmes sur le quai, euphorisés, sous le regard interrogateur des attendants, ceux qui repartaient dans l’autre sens.
Le conducteur, que nous guettions tous, était un immense et beau Noir, et déjà, les voyageurs le remerciaient, lui en souhaitaient bien de même (ça se dit ?).
Puis tels les petits personnages de Sempé, nous montâmes les escaliers, ce grand petit bonheur gravés sur nos faces. La foule se délita à l’air libre et c’est seule que j’entrai dans la rue du Colombier où un voisin me sortit de ma béatitude : « T’as l’air bien gaie, ce soir ! ».
Ben oui, il suffit d’un rien pour être heureux. J’avais pas les poils du bout de la queue d’une idée pour mon blog et grâce à ce joyeux travailleur de l’ombre (ouais, bon, ça va !)… voilà. C’est une histoire vraie, le message était juste un peu moins long mais c’était l’idée.
La morale ? Y en a pas. Puis quoi encore ? Bossez un peu aussi, non !

Texte et dessin © dominiquecozette

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