Ici (et pas que maintenant)


Meilleur album de BD d’Angoulême, Ici de Richard Mc Guire, est sacrément déconcertant. C’est une vaste épopée dans le temps, sans histoire à proprement parler mais qui raconte, d’un seul point de vue, des siècles d’évènements : l’image, toujours positionnée de la même façon en double page, nous laisse voir deux murs dont l’un est percé d’une fenêtre et l’autre agrémenté d’une cheminée. Mais pas toujours car il montre aussi « l’avant », à des époques où la maison n’existait pas, où la nature préhistorique dominait puis que des maisons se sont construites en face. Ou « l’après » sa destruction. Dans la prospective, donc.
Tout est déstructuré bien qu’il y ait toujours les dates. On y trouve quelques saynètes, par exemple avec son grand père obligé de dormir sur le canapé, d’autres où des gens disent ou font des choses très pointues de la vie quotidiennes, ou des scènes de fêtes, de veillée d’un mort, d’arrivée d’un bébé, d’une femme en 1957 qui ouvre un livre en disant « ça y est, ça me revient », des petites choses devenues importantes par la magie du dessin et des mots.
C’est très beau, déjà, tous ces décors qui changent, les meubles, la construction même du lieu, c’est très bizarre ensuite cette façon de poser sur le dessin d’ensemble des vignettes d’autres temps. Et puis on se dit que tout va se dénouer à la fin. Mais non, rien du tout, c’est comme si on avait rêvé, comme si, pour une fois, on était devenu(e) une petite souris pour observer la vie des gens dans un même endroit. 300 pages de toute beauté !

Ici par Richard Mc Guire, aux éditions Gallimard, 2014, et 2015 pour la version française assurée par Isabelle Troin. 300 pages.

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