Pas pleurer, Salvayre…

Le nouveau « roman » (c’est écrit sous le titre) de Lydie Salvayre renvoie à la jeunesse de sa mère pendant l’été 36 en Espagne. C’était la guerre d’Espagne. La mère, Montse (pour Montserrat) a été envoyée chez le seigneur du village pour être bonne mais il l’a trouvé très modeste, comme s’il lui gravait un sceau dans la peau l’empêchant un jour de prendre son essor. Elle a 15 ans, est convoitée par le fils de celui-ci, rouquin adopté mal embouché qui s’inscrit au PC pour emmerder ses parents, peut-être. On saura plus loin pourquoi tant de griefs devant ce paternel et la belle-mère.
Elle, avec Josep, son frère combatif, s’enfuit en ville où elle découvre la vraie vie. Les lumières, les boutiques, les cafés où les femmes peuvent consommer gratuitement un verre d’eau. Et l’amour torride. Un Français, juste une nuit, même pas le temps de se donner le nom. Juste André. Elle l’appellera André Malraux. Et le bébé qui se forme. Rester au village avec la honte ? Se suicider ? Ou alors accepter d’épouser le garçon roux qu’on a mis au courant, entrer au château par la grande porte. Ce qu’elle fait.
Et pendant ce temps-là, la guerre et ses exactions, les horribles meurtres par ceux qui se croient habilités à descendre n’importe qui, les pauvres, les curés, d’éventrer les femmes, sous couvert d’approbation de l’Eglise, franquiste donc. Et Bernanos, l’ultra-catho, qui se dessille, qui se rend compte que ses croyances n’étaient pas les bonnes et va s’engager dans un pamphlet anti-clérical, les grands cimetières sous la lune.
Il y a aussi la haine profonde et farouche de son frère Josep et du mari roux, qui se terminera très mal. Puis la naissance de la fillette, la grande sœur de l’écrivain, adulée de ceux du château. Lydie verra le jour  bien des années plus tard, fille biologique de l’époux.
Ce qu’elle raconte devient un récit formidable dans la bouche de Montse, sa vieille mère, l’héroïne, réfugiée à Paris depuis la guerre et qui parle un français hautement coloré, métissé d’espagnolismes à mourir de rire, souvent. Cette mère fragile, qui a perdu toute mémoire sauf celle de son amour de braise et de sa jeunesse brûlante.
Un superbe roman d’amour et d’aventure !

Par pleurer de Lydie Salvayre aux éditions du seuil. Août 2014. 280 pages.

Texte © dominique cozette

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