Grouillons, grouillons !

Les tenants de l’hyper économie, du tout partout, du toujours ouvert, du boulot 24/24 7/7, de la croissance à tout prix, de l’aide  totale à la reprise avec suppression de toutes taxes, impôts et contributions, sont probablement des jésusophiles dont la parole s’appliquerait bien à leur desiderata : croissez et multipliez. A l’époque, il devait y avoir 5 millions d’habitants sur la planète, enfin j’en sais rien, c’est une hypothèse. Il y avait des places pour garer ses boeufs, le chômage n’existait pas puisque le sale boulot était assuré par les esclaves, la démocrate battait son plein avec le tirage au sort des édiles, la terre était cultivée selon une tradition ancestrale, les animaux paissaient et broutaient dans de grands espaces avant que d’être abattus proprement.
Le commerce marchait tranquillement, le marketing c’était juste de savoir si la mère machin et le père truc achèteraient une oie ou une pintade, et, quand le temps le permettait, on allait tous ensemble voir les jeux du cirque.
Aujourd’hui, ce que les politiques de tout poil, les responsables des grands groupes internationaux, les boursicoteurs et nous-mêmes qui mettons nos économies sur des produits financiers dont on espère qu’ils amélioreront notre pouvoir d’achat, demandent/exigent/souhaitent, c’est la croissance. La croissance, la croissance, la croissance !!! On n’entend que ça. Allez hop !  Croissons… Que ça grouille de voitures partout tout le temps, que ça grouille de monde dans les zones de chalandise sans interruption, que rien ne s’oppose à l’achat de n’importe quel produit de n’importe quelle façon, que la concurrence soit la plus âpre possible entre toutes les productions pour être sûr d’avoir le moins cher, que le produit juste lancé soit aussi sec dans mon caddy car je dois être le premier à l’avoir même si je sais que demain il sera complètement ringard, que l’aménagement du scolaire permette à tous de profiter de la mer, de la neige, des voyages, que d’ailleurs les avions soient de plus en plus fréquents, de plus en plus gros, de plus en plus nombreux pour permettre à TOUS d’aller partout, que les bateaux de croisière soient de plus en plus énormes pour offrir tout ce dont on rêve sur la mer mais de moins en moins cher donc de plus en plus concurrentiels, que tous les pays du monde puissent construire vite les installations olympiques et footballistiques avec infrastructures d’accueil concommitantes même si ça ne sert qu’une fois… etc, vous savez tout ça.
Vous avez appris qu’Amazon venait d’annoncer que bientôt vous serez livré par drone. En voilà une idée, qu’elle est chouette ! Donc nous serons bientôt envahis de milliers d’engins volants qui viendront obscurcir notre ciel, troubler le silence de nos nuits, voire se percuter au-dessus de nos têtes. Car on ne voit pas pourquoi une seule entreprise aurait le monopole du ciel, de l’urgence, de la course à l’échalote.
Alors, grouillons, grouillons, y a pas une minute à perdre, pas un espace à garder. Tout sera dans tout et réciproquement. Et, c’est promis, il n’y aura plus de frustrés, de malheureux et d’aigris. De nouveau, la vie sera belle. Chouette, chouette et rechouette !

Texte © dominique cozette. Photo faite à la FIAC 2013.

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