Flore Vasseur est une auteure que j’admire car elle explore un continent que je ne peux connaître que par procuration : la haute finance. Elle en a fait partie*, elle y a ses accointances mais aussi ses objets d’indignation. Elle possède son sujet.
Ce troisième roman, en bande organisée, campe la vie de sept mercenaires du monde, à savoir sept potes ex HEC, qui se prennent pour les rois du monde en accédant aux plus hauts pouvoirs : ceux de la politique et du fric, des complots, des mensonges et du secret. Mais ça ne marche pas si bien que ça, trop impliqués, trop esclavagisés par leurs fonctions qui les enserrent jalousement dans des règles de vie insupportables, sous contrôle permanent. Même leur cholestérol, leur poids ou leur dose d’alcool absorbé la veille y sont analysés.
Au premier chapitre, on les retrouve tous, même si certains se sont perdus de vue après un grave accident de l’un d’eux, à la remise de la médaille des arts et lettres de Clara, éminente journaliste économique. Une dispute éclatera entre deux d’entre eux, et un troisième jamais revu depuis l’accident fera une trop brève apparition.
Et puis on verra comment leurs vies se disloquent entre absence d’esprit critique sur leurs tâches, étiolement de leur intérêt familial ou amoureux, dilution de leurs idéaux dans le stress, l’argent et les honneurs dus à leur valeur. Mais la finance est malfaisante, l’Europe est un leurre, les politiques sont des tricheurs et les banquiers des arnaqueurs, bien sûr on le sait plus ou moins, mais l’un des héros, prêt à faire exploser le système, se fera exploser un beau matin sous un RER. Personne ne croit au suicide.
La journaliste, qui refuse d’enquêter sur son ami qui lui a laissé les documents sur une clé USB, sera pilotée par son grand amour disparu afin d’échapper aux requins de la sécurité, celle qui protège l’élite, celle qui nous espionne au travers de nos outils, celle qui nous suit à la trace où qu’on soit, celle qui sait tout sur tout le monde.
Portrait affûté de cette génération de quadras wonderboys & girls hyper-formatée, qui porte les mocassins à gland de leurs vieux modèles mais aussi les stilettos de la jeunesse dorée, qui ne sort du triangle d’or parisien que pour celui de Londres ou de New-York et qui ne rêve que d’arriver. Mais où ? A la perte du monde ?
Inspiré de faits réels, le livre nous livre ses sources sous forme de flashcodes en regard des paragraphes concernés. Très pratiques pour les plus curieux. On peut aussi les retrouver sur la liste HTML mise à jour sur le site de l’écrivaine ici.
Thriller politico-économique passionnant mais très énervant eu égard au côté irrémédiablement pourri de la chose publique.
Info supplémentaire : Flore Vasseur est dans la sélection pour le prix de Flore.
* Flore Vasseur a pris connaissance de cet article et me signale que, bien que cela lui colle à la peau et que ça l’agace un chouïa, elle n’a jamais travaillé dans la finance. C’est dit !
En bande organisée, de Flore Vasseur aux éditionsEquateur littérature. 2013. 320 pages, 19 euros.
texte © dominique cozette