Chloé pas d’chance, ça a toujours été son surnom. Toujours. Sa mère est morte à sa naissance. Tuée par son père qui désirait un garçon, après avoir eu sept filles de sept femmes différentes. Elle fut confiée à la Ddass qui la plaça dans une famille modeste, sans autorité et sans hygiène. Mais profondément téléphile. Ce qui eut pour conséquence les interventions marquantes de Super Nany et C’est du Propre, puis son addiction à l’auto-réalité filmée (c’est comme de l’autofiction mais filmée) qui l’expédia dans d’autres émission style retour au pensionnat, qui veut épouser mon fils, qui me prendra ma virginité, Bachelor etc. Elle fut castée pour différents documentaires sur les enfants maltraités, les jeunes filles violentées et, récemment, la résilience.
Car à 16 ans, elle devint une belle jeune fille épanouie, douée, souriante et douce. Elle plaisait à tous les garçons des alentours de la maison de correction où elle s’était réfugiée après avoir tabassé sa mère d’accueil et cassé le bras à l’assistante sociale.
Une fliquette tomba raide dingue amoureuse d’elle, la convainquit que l’amour entre elles deux était la plus belle chose qui régnait sur terre. Et lui offrit le mariage.
Chloé pas d’chance se dit qu’il fallait la saisir, la chance, pour une fois qu’elle se montrait à visage découvert. Mais hélas, elle était mineure et son père, qui venait de sortir de prison, s’opposa à cette union contre nature. Il avait dans l’idée de lui apprendre violemment que l’amour, le vrai, ne se faisait qu’entre un homme et une femme. Sauf qu’un trouble de l’érection vint contrarier son plan. Chloé se sauva, poursuivie par la deuxième femme de son père qui était elle aussi tombée raide dingue amoureuse d’elle.
Affolée, réalisant que sa vie ne serait qu’un tas de boue, Chloé pas d’chance se jeta du pont de Nemours et, pour une fois, réussit son plan puisque personne ne l’avait jamais amenée à la piscine ou à la plage quand elle était fillette et qu’elle n’osa jamais avouer qu’elle ne savait pas nager. Les flots se refermèrent sur elle au moment où elle regretta ce saut. Quelle manque de pot !
Texte © dominique cozette. Image pub. NE PAS CONFONDRE avec « Ma vie est un chef d’œuvre » exposée actuellement au Salon de Montrouge.