On n’est plus des gens normaux

On n’est plus des gens normaux est le premier roman de Justin Morin, journaliste, qui avait couvert un fait divers particulièrement dramatique : un jeune homme au volant d’une voiture qui fonce sur la terrasse d’une pizzeria où sont attablées de nombreuses personnes dont Angela, jeune fille de 13 ans, tuée sur le coup. Et faisant de nombreux blessés dont la père et le petit frère de 3 ans. La mère est traumatisée et le frère aîné de la fillette s’en sortent mieux physiquement. C’était en août 2017.
En fait, Morin couvre le procès qui a lieu deux années plus tard. L’accusé est bouffi, drogué aux médocs. La famille d’Angela est plus resserrée que jamais. Où qu’ils aillent, ils portent une photo de la fillette sur eux, ils en parlent, ils la savent près d’eux. Le journaliste va pouvoir les approcher pour tenter de comprendre ce qu’il s’est passé. Tous se livrent, les proches aussi. Il peut commencer l’écriture de son livre. Qui est particulièrement super bien écrit, les émotions y sont flagrantes, le rythme est soutenu, la plume est compatissante. Malheureusement, la sœur de l’accusé n’accepte pas de se livrer. Elle dit que peut-être elle voudra faire entendre sa propre voix plus tard. Néanmoins, l’auteur connaît le rôle protecteur qu’elle a joué auprès de son petit frère durant des années alors que les parents se (les) déchiraient… Il a su aussi que ces deux-là, frère/sœur jadis liés comme les doigts de la main, ne se voyaient plus. Il voulait comprendre pourquoi. Et savoir aussi pourquoi la sœur, quand elle a dû déposer, bien que connaissant les ravages que son frère a causés dans les deux familles, s’est rangée de son côté, refusant de l’accuser d’avoir tué en toute conscience.
De ce fait, Morin le dit dans la deuxième partie, celle consacrée à la sœur, il va alors romancer la partie qui lui manque, tenter de deviner au plus juste ce qui les a séparés. La sœur ne s’y est d’ailleurs pas opposée.
Puis nous revenons au temps présent où le tueur croupit en prison, condamné à perpète, l’instant terrible et plein de suspens où il peut encore faire appel. C’est à dire infligerà nouveau à tous les souffrances déjà vécues.
Texte fulgurant, tranchant mais aussi plein d’empathie pour les victimes, très beau livre.

On n’est plus des gens normaux de Justin Morin, 2024 à la Manufacture du LIvre. 260 pages, 16,90 €.

Texte © dominique cozette

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
Twitter