Eh si, contrairement à la pub des fenêtres, le romancier nous en colle deux pour le prix d’un. Deux quoi ? deux amoureux de la même femme. Une femme éthérée, jamais là, qui s’en va sans prévenir, qui revient sans le dire, qui laisse deux ans mariner Louis Blériot, l’amant de Paris par ailleurs marié avec une femme assez tolérante et qui gagne suffisamment sa vie pour activer la pompe à phynance de son adultérin de mari pendant que notre héroïne insouciante dicte sa loi à son compagnon de Londres, car elle est anglaise voyez-vous.
Pour écrire « la vie est brève et le désir sans fin », très joli titre, l’auteur s’est paraît-il inspiré de Manon Lescaut, qui comme elle, s’activait entre deux hommes. Ça rappelle aussi Jules et Jim mais Jeanne Moreau a trop de présence pour incarner la petite créature sans consistance qui a permis à Patrick Lapeyre de remporter le prix Femina.
Je ne dirai pas que je n’ai pas aimé le bouquin parce que ce serait faux. Je l’ai aimé jusqu’à une certaine page, vers le milieu, où j’ai fini par comprendre que notre héroïne, non contente de balader ses amoureux transis, nous menait par le bout de notre nez, pauvres lecteurs captifs. Disons que j’ai fini par lui dire de choisir d’en finir avec ses va-et-vient ridicules car ça va bien comme ça, ces types sont trop cons de marcher ainsi dans la combine et elle-même est une vraie petite tête à claques.
Ceci dit, ce bouquin est absolument bien écrit, les phrases sont chics et originales, c’est de la dentelle, comme on dit en refermant un Bobin. Sauf que la dentelle, on se prend les diams dedans et à force, ça lasse.
L’histoire finalement n’a pas grand intérêt, la fin est shuntée sur des considérations philosophiques qui laissent entendre exactement ce que vous avez envie d’entendre. Mais pour lire sur la plage, entre deux ballons qui vous assomment et trois mômes qui vous enjambent en vous ensablant, c’est tout à fait de circonstance. Je pense que s’il a eu ce prix, c’est qu’il a plus plu au jury qu’à moi. J’espère qu’il a moins plu sur votre plage que sur les pages du bouquin où, bizarrement, il tombe des cordes dès que Louis Blériot retrouve sa gredine. A noter qu’il a été écrit bien avant l’avènement de notre pluviofuge président.
La vie est brève et le désir sans fin, Patrick Lapeyre, 2010 chez P.O.L. 345 pages imprimées très proprement en Normandie, pays pluvieux s’il en est.
Texte et image © dominique cozette