Boire au Ritz

Le Barman du Ritz, histoire vraie avec personnages réels, nous est brillamment contée et romancée par Philippe Collin avec force détails sur cette période très trouble qu’était l’Occupation, quatre années infernales pour certains, plutôt confortables pour d’autres, les occupants et collabos.
Frank Meier comme son nom l’indique, est le meilleur barman de monde ! Il a bourlingué, notamment aux Etats-Unis où il a gagné sa réputation dans l’art du cocktail (il a d’ailleurs écrit un livre à ce sujet). Sa réputation conforte les Allemands dans leur choix de passer de super moments de détente ou d’ivresse dans ce lieu magique qu’est le bar du Ritz, fréquenté juste avant par Hemingway et Fitzgerald, tous deux sensibles au savoir-faire et à la discrétion de Meier.
Maintenant, on y voit Coco Chanel, Guitry, Cocteau trinquer (voire plus) sans vergogne avec les hommes de la Gestapo. On suit l’évolution de l’opinion concernant Pétain, on y découvre beaucoup de compromissions, de secrets, de trahisons, mais aussi de peur. Ce qui dérange le plus, bien sûr, c’est de voir ces grands crus, ces champagnes millésimés, ces inventions alccolisées couler à flots, d’y entendre les rires gras, d’y côtoyer les fourrures, les bijoux de prix de ces dames tandis que dehors on meurt de froid, de faim et de terreur.
Meier de son côté cache un lourd secret : il est juif mais a réussi à le faire gommer. Néanmoins, il consentira à fournir des faux papiers à certains de ses clients pas toujours recommandables en prenant des risques considérables.
Il en prendra bien d’autres durant ces années, il exfiltrera ou protègera des proches menacés par les occupants. Et lorsque les alliés entrent triomphalement dans Paris, il sent bien que sa dernière heure est arrivée. Que faire ? Fuir ou rester dignement le gardien de ce paradis perdu pour accueillir les vainqueurs ?
Je passe sur la romance sentimentale qui lui fait battre le cœur, et sur bien d’autres choses, l’affreux caractère de la vieille Ritz, la belle complicité paternelle que Meier entretient avec son apprenti, juif lui aussi, ou ses relations très compliquées avec ce fils dont il ne s’est pas beaucoup occupé.
Livre palpitant, instructif et riche, qui ne se trouve pas au somment des ventes de livres par hasard.

Le barman du Ritz par Philippe Collin, 2024 aux Editions Albin Michel. 416 pages, 21,90 €.

Texte © dominique cozette

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