L'amour maternel ?

Après le faux dutronesque Play Boy, voici le trompeur elvissien Love me tender où Constance se radicalise. Rien ne va plus. Son ex a carrément réussi à lui faire perdre la garde alternée de son fils mais elle se bat pour en récupérer une partie. C’est une cause désespérante, le père a monté le fils contre elle, il prétend devant les juges que sa mère est folle etc. Alors elle vire tout ce qui lui restait de sa vie où le partage était encore possible, où il avait sa chambre, ses affaires. Elle liquide tout, elle donne, pose sur le trottoir, elle ne va plus au Palais, abandonne le barreau, vit de rien : une piaule de 9m2 avec juste un lit, une planche sur tréteaux et un pola de son fils endormi. Deux jeans, deux tee-shirts, un sweat plus son cuir qu’elle porte non-stop. Tous les matins à sept heures, elle nage pour ne pas sombrer. Elle fuit les sorties d’écoles, les jardins, elle ne veut plus voir les enfants car ils sont des bombes à fragmentation comme s’ils allaient m’exploser à la gueule, cribler mon corps de petits morceaux de métal coupant.
Sinon, elle écrit et elle baise les filles. Elle est très grande, mince, bien gaulée, très repérable lesbienne avec sa coupe courte et ses tatouages, c’est un jeu de pécho n’importe où. L’amour ne l’intéresse plus, elle ne s’attache pas, déteste qu’on s’attache, quitte vite sans drame.
Un jour, elle obtient de revoir enfin son fils après des mois, une heure par quinzaine dans un lieu social sous l’œil de deux personnes. Il a des élans de tendresse, il aime sa mère, elle aime son fils. Le père, le plus souvent, annule ces rencarts, ainsi que, plus tard, les deux ou trois pauvres week-ends qu’elle a réussi à tirer. Elle revoit son fils qui de nouveau prend le parti du père, ne veut plus la voir. C’est désespérant. Lui-même a maintenant dix ans, elle a n’a que le recours de la justice qui se révèle impuissante. Alors elle prend l’impitoyable décision, puisque son fils ne donne plus signe, de l’oublier, carrément. De tirer un trait.
On voit la personne qui écrit ce récit serrer les dents. Un moment, elle a même viré la petite piaule pour squatter chez les uns ou les autres, pas d’attaches, liberté totale. Puis un peu d’argent est rentré par le livre d’avant, elle reprend un petit lieu. Elle tombe même amoureuse mais ça ne dure que quelques mois. On lui en demande trop, elle n’a rien à donner…
Toujours aussi sec, plus cru, sans complaisance et sans fioritures. Quelle drôle d’existence ! Mais l’écriture, ah, l’écriture !

Love me tender de Constance Debré, 2020 aux éditions Flammarion.

Texte © dominique cozette

Constance quitte Debré

Avant d’aller au sur-médiatisé dernier livre de Constance Debré, Love me tender, j’ai commencé par Play Boy et bien m’en a pris car c’est le début de la nouvelle vie de l’autrice, celle où elle dit merde à tous les Debré de l’arbre, le grand-père gaulliste, le tonton chiraquien, l’autre tonton chirurgien, tout ce beau monde bourge de chez bourge, puis son père, grand reporter qui sombre dans les substances sans jamais réussir à s’en sortir, comme quoi les médecins…,  et sa mère, une beauté fin de race ayant elle-même succombé jeune d’une hémorragie cérébrale suite à divers excès dont un alcoolisme qui la répugnait ainsi que son frère quand ils étaient mômes, les laissant se démerder avec cette drôle de vie huppée. La jeune fille d’alors, jamais tombée des nues, fait « son » droit, devient avocate pénale. « On m’appelle maître, pas madame, je fais un métier d’homme où on porte une robe. Il y a même une sorte de cravate bien phallique qu’on appelle un rabat et que je tripote pendant les audiences. » Elle se marie à un certain Laurent, fait un gosse de sexe mâle mais au bout de dix-huit ans de ce régime matrimonial ennuyeux, envoie péter l’affaire. Marre de ce cirque.
Elle tombe vaguement amoureuse, c’est plutôt du désir d’ailleurs, pour une belle femme bourge, encore, mariée et affublée de plusieurs amants, plus âgée qu’elle. L’approche sera très longue, très lente, même pas sulfureuse. Mais elle constituera son entrée dans l’homosexualité et la fin des ambitions. Le début d’une vie dépouillée, où cheveux courts riment avec tatouage (non, ça ne rime pas, flûte) avec drague de filles. Elle adore emmerder son père en lui racontant ses histoires homo d’autant plus que la jeune nana du daron est moins belle que la sienne, ha ha ha… Donc, elle s’éclate, plus ou moins d’ailleurs car on devine que l’éclatage ne fait pas partie de son trousseau d’émois. Disons qu’elle se sent plus elle.
Là où le bâts blesse, c’est que son ex, père de leur gamin de 6-7 ans, rechigne maintenant à lui laisser le gosse et trouve qu’elle a pris un mauvais genre qu’il n’aime pas voir peser son leur fils. Je crois que c’est aussi le sujet de son dernier livre dont je vous parle très bientôt.
J’adore le ton saisissant de la narration de Constance. C’est bref, sec, cassant, criant, pas une banalité, pas de prise de tête, pas de psy. Elle parle de tout, et de rien, et sans tabou. Elle parle mal de son ex, de tout le monde, elle a l’esprit brusque, brutal parfois, plein de la poésie du bitume au ras des caniveaux. Elle déboule ses phrases parfois sans rapport, en fait si, rapport avec la situation, et comme ça vient dans sa tête, c’est à dire en enchaînement d’idées et de choses qu’elle voit. Saisissant, je vous dis.

Play boy de Constance Debré, 2018. Aux éditions 10/18. 168 pages, pas cher.

Texte © dominique cozette

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