Rendez-moi mon sourire !

Un matin, je sors guilleret de chez moi et je croise ma jolie nouvelle voisine. Vous auriez fait comme moi : je lui souris. Malheureusement, elle me rend mon sourire ! Mon sang ne fait qu’un tour ! Je me replace devant elle et lui refais un sourire. Elle me le rend encore, quoi qu’un peu plus crispé, mais bon, je le reconnais, c’est le même. Un peu plus crispé.
Ma bonne humeur s’envole d’un seul coup. Je la trouve saumâtre. Je m’approche d’elle et lui demande, sans aménité, pourquoi elle me rend mon sourire.
Elle reste bouche bée, ça ne m’étonne pas.
Puis se décide à répondre : Mais … vous m’avez souri le premier, non ?
– certes, et sans mauvaise intention.
– Alors moi, je vous ai souri.
– Vous m’avez rendu mon sourire. On peut dire ça, non ?
Gênée, elle fronce ses sourcils effilés.
– Si on veut, on peut dire ça.
– Pourquoi me l’avez-vous rendu ? Il ne vous plaisait pas ?
– Mais… c’est une expression !
Bien sûr que le sourire est une expression, elle me prend pour un béotien ou quoi ? C’est même une des expressions les plus aimables qu’un visage peut prendre lorsqu’il veut faire preuve d’empathie.
– Je sais, mademoiselle, que c’est une expression. Mais ce sourire, je vous l’ai adressé de façon candide, c’était un cadeau, certes modeste, mais sincère.
Elle refronce ses sourcils et le rose lui monte au front. Néanmoins, je poursuis : Me rendre ce sourire constitue non seulement une incivilité notoire mais en plus, c’est blessant.
– Vous plaisantez, là ?
– Ah non, je sens même la moutarde me monter au nez !
– Vous êtes vraiment dingue ! Laissez-moi passer.
– Pas avant que vous ne vous soyez excusée…
– Vous voulez des excuses ? En voilà une !
Et vlan, elle ma envoyé une baffe, mais une baffe ! Une vraie torgnole. Comme je suis un honnête homme, que mes parents m’ont bien élevé, je ne la lui ai pas rendue.
Un partout.
Hier, nous nous sommes croisés devant les boîtes. Je lui ai donné le bonjour.  Elle ne me l’a pas rendu. Je suis heureux de voir que la situation s’améliore, qu’elle n’est pas rancunière. Je souris intérieurement et décide que demain, je passe à l’attaque, je lui donne un baiser.

Texte et dessin © dominique cozette

La dette, quelle dette ?

Hier, je suis sorti avec ma dernière conquête dans un somptueux restaurant d’un quartier chic de vieux réacs, pour dire comme c’était calme, dont on m’avait affirmé qu’on y dînait gratuitement. C’est pas que je sois radin mais j’aime pas dépenser pour un résultat aléatoire. Un valet gare mon véhicule tandis qu’une sorte de laquais nous installe à une table aux dimensions confortables. Il nous donne la carte : pas de prix sur celle de ma (future ?) prise, et une petite phrase en tête de la mienne : « Ce repas vous est offert votre grand-père ». Ce n’est pas précisé lequel mais j’ai ma petite idée.
Donc, sans vouloir forcément pousser le bouchon, nous choisissons le menu gastronomique en même temps qu’astronomique, arrosé des vins  fins du siècle dernier, sélectionnés par le sommelier.
Nous passons là trois heures merveilleuses.
Au moment de me lever, je suis arrêté dans mon élan par le chef de salle, avec classe certes. Il me dépose un coffret en cuir qui contient … la note. Là, je fronce les sourcils
– mais, je ne comprends pas, je croyais que ma note était réglée par mon grand-père !
– Tout à fait Monsieur (il s’incline. Je me dis ouf). Mais ceci est la note que vous devez régler pour votre petit-fils.

Cette anecdote pour parler de la dette. La fameuse dette ! On nous dit qu’elle sera payée par nos petits-enfants.  Mais comment vont-ils faire, nos pauvres  petits-enfants  ? Hé bien, ils la refileront  à leurs petits-enfants… Ainsi va le monde.

Texte et dessin © dominique cozette

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