Un perdant magnifique

Je ne connaissais pas Florence Seyvos, j’hésitais à acheter ce livre plutôt mince, j’en voulais pour mon argent… mais je n’ai pas regretté. Ce livre, Le perdant magnifique, est lui aussi magnifique.
C’est un portrait. Mais il y a portrait et portrait, celui-ci est fascinant, comme un Bacon, variable, mouvant, inclassable, impressionnant.
Il s’appelle Jacques, c’est le beau-père d’Anna, la narratrice, il n’arrête pas de monter des affaires qui se cassent la gueule, de promettre des monts et merveilles, de se ruiner, mais de vivre plus haut que son cul sans se soucier des ennuis qu’il procure à sa femme qui éponge tout derrière lui. Il est extravagant, fantasque, tyrannique, maniaque, ingérable. Il y a donc Anna, sa soeur très complice Irène et leur mère qui ne touche pas terre et l’excuse de tout sans amour excessif.
Ils vivent entre Abidjan où il fait ses affaires et au Havre où la mère a acheté une maison pour que ses filles puissent étudier en France. Parfois, les adultes sont à Abidjan ensemble, laissant les deux ados se débrouiller (faire des bêtises), parfois il ne donne plus signe de vie, ni d’argent (il emprunte des sommes folles) durant des semaines. Malgré tout, on l’aime d’une certaine façon, on ne lui souhaite pas de mal. (Lisez la toute première page en librairie pour avoir une idée)
Puis un jour, il revint amaigri, malade, à bout de forces. Il faut s’occuper de lui, il n’aime pas… Il mourra de tous ses excès.
Extrait qui donne le ton que ressentent ceux qui vivent avec lui : « Mais si jusqu’ici bien des catastrophes avaient été évitées, il n’y avait pas eu de coup de théâtre, seulement le sentiment épuisant de nager la tête à ras de l’eau, à la merci d’une série de vagues plus fortes que les précédentes. »
Quand je lis un tel portrait, je ne peux qu’admirer la force de création de l’autrice pour imaginer aussi riche personnage, débordant de folie et de savoir-vivre, de culot et d’attention aux autres, d’ambivalence et de gentillesse… C’est hallucinant, oui, je suis fascinée par cette inventivité et la façon de peindre… Elle est aussi scénariste.

Le perdant magnifique de Florence Seyvos, 2025. Editions de l’Olivier. 144 pages, 19,50 €

Texte © dominique cozette

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