
Un monde à refaire est le premier roman de Claire Deya, et quel roman !, inspiré de l’histoire de son grand-père, médecin pendant la guerre, prisonnier des camps, évadé et rattrapé plusieurs fois.
Nous sommes sur le Côte d’Azur en 1945, cette partie de la France est en principe libre. Le gros problème dont on a très peu parlé, c’est que toutes les côtes, les plages, les bords de mer sont pourris par des millions, oui des millions de mines laissées par les Allemands pour empêcher un débarquement. Et des mines de toutes sortes, de toutes tailles, de toutes technologies. Il faut du monde pour déblayer tout ça et ça va prendre du temps. Et des vies.
Les démineurs, qui ne sont pas des pros, ne sont pas légion. Le héros principal est Vincent qui recherche comme un fou Ariane, la femme de sa vie, disparue corps et bien, et qu’il fera tout pour retrouver. Tout. Il y a aussi Fabien, le leader qui lui aussi est en deuil de sa femme dont il ne sait pas ce qu’elle est devenue. Ils côtoient Saskia, une très belle jeune femme juive rescapée des camps où sa famille a été assassinée mais on ne peut pas en parler, à cette époque, Saskia qui retrouve sa maison, mais hélas, celle-ci lui a été volée, habitée par des profiteurs. Elle est perdue, comme tous les autres, ceux qui étaient dans le maquis, mais aussi, pour ce travail ingrat et très risqué, des prisonniers allemands en haillons, sous-alimentés, misérables, qui espèrent jouir d’une libération à la suite de ces manœuvres où ils risquent tous leur vie.
C’est un roman exceptionnel, très documenté sur les mines, comment les détecter, les manipuler, les neutraliser ou les faire sauter. Tous les protagonistes de cette histoire ont un secret qui les a poussés à faire ce travail, tous se soupçonnent, ne se font pas confiance, s’observent. Vincent lui-même attrape quelques minuscules bribes de la vie d’Ariane avant qu’elle disparaisse, morte ou suicidée ou violée et tuée dans le QG des Allemands où elle était obligée de servir les produits de la ferme. On apprend par une de ses amies qu’elle a demandé à ce qu’on ne la recherche jamais.
Claire Deya restitue merveilleusement la vie des gens à la fin de cette guerre harassante auprès d’une mer aux plages inaccessibles, on se croirait dans un film. Le printemps est là, il fait beau, les femmes sont belles avec leurs robes légères et leur envie de vivre. Et les imbroglio créés par les relations entre les différents personnages rendent l’action palpitante. Très belle histoire.
Un monde à refaire par Claire Deya, 2024. Au Livre de Poche, 454 pages, 9,70 €
Texte © dominique cozette