Passionnante saga

Pas vide du tout, cette très grande maison familiale plantée en pleine nature d’une province riante où se sont succédé les vies de femmes riches, exceptionnelles ou viles, incomprises, dures, frustrées, audacieuses, libérées…
La Maison vide de Laurent Mauvignier est un livre extraordinaire, ce n’est pas un scoop. Avant de l’entamer – car c’est un pavé de sept cents cinquante pages – ne soyez pas rebuté.e par les premières pages qui nous embrouillent par leur grand nombre de personnages et de références historiques. L’histoire proprement dite commence page 37 avec Marie-Ernestine, l’arrière grand-mère de l’auteur. Il y sera question de la mère d’icelle, faussement soumise à son mari, patriarche dominant qui gère son riche patrimoine d’une main de maître. Et de ses deux frères (un qui devient curé, l’autre qui joue à la poupée) qui décevront tellement le pater qu’il mettra tout son amour (et l’avenir de ses biens) sur cette belle petite chose qu’est sa fille.
Mais avant ça, on sera entré dans cette maison vide fermée depuis vingt ans, où dorment les souvenir et les secrets de famille. On sait dès le début que le père de l’auteur, celui qui a décidé d’ouvrir cette vieille barraque, se suicidera et on pourra comprendre que sa grand-mère Marguerite, fille maudite de Marie-Ernestine, n’est pas étrangère à cette terrible fin.
Il y a cette chaîne de femmes qui héritent chacune des tabous, des rêves, des tourments de leurs mères, mais surtout qui font ce qu’elles peuvent pour remplacer un mari absent, mort à la guerre, ou de maladie etc. Les femmes, à cette époque, sont vues comme des écervelées incapables de gérer quoi que ce soit. Les deux guerres vont montrer que les femmes sont très fortes. Pour autant, les hommes restent les maîtres, les profiteurs, les machos, les violeurs aussi.
La mère de Marie-Ernestine, quand elle sera veuve, va tenir sa maison et ses domaines, ouvriers, locataires, saisonniers… d’une main de fer, elle si modeste. Ce sera une matrone respectable. Marie-Ernestine, sa fille, élevée au couvent pour faire ses études et tenir le domaine plus tard, découvre le piano. Elle est super douée et rêve, appuyée par un pianiste voisin, d’entrer au conservatoire. Comment va-t-elle réagir quand son père décide de la marier à Jules, un de ses employés, frustre et gros, sans aucune culture ?
Puis on passe à Marguerite, fille rejetée par sa mère, aimée de la grand-mère, pas éduquée pour autant, qui n’aura pas vraiment le choix de mener une vie « normale ». Qui va donc dériver. C’est pourquoi sur toutes les photos qui la concernent, sa tête est découpée aux ciseaux.
C’est passionnant, extrêmement descriptif, bourré de détails et d’anecdotes qui nous font comprendre comment on vivait en province profonde dans ce temps-là.
Ce livre m’a subjuguée. S’il a le Goncourt, ce sera mérité.

La maison vide de Laurent Mauvignier, 2025 aux Editions de Minuit. 746 pages, 25 €.

Texte © dominique cozette

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