Pour les amoureux de Jarmusch

Ce très beau petit livre ravira tous les fans de Jim Jarmusch. Il est écrit par Philippe Azoury, critique de cinéma, et nous livre, de façon superbement poétique, quelques clés pour entrer dans le monde singulier du cinéaste. Film après film, il évoque les univers de Jarmusch, les états d’âme, des comparaisons, des hommages, tout un puzzle de sensations nuancées qui donnent une furieuse envie de retourner voir ses œuvres, toutes ses œuvres, de son film de jeunesse permanent vacation jusqu’à son dernier, tonitruant docu sur Iggy et les Stooges. Que dire de plus ? Rien, car je n’ai pas un talent suffisant pour susciter l’émotion que procure la lecture de ce petit bijou.


Jim Jarmusch, une autre allure
par Philippe Azoury. 2016 aux éditions Capricci. 108 pages, 8,95 €.

© dominique cozette

Basquiat en permanent vacation…

Après avoir vu et revu tous les autres, j’ai découvert le tout premier film de Jim Jarmusch, film de fin d’études réalisé  en 1980 alors qu’il se tâtait pour devenir écrivain ou musicien. Il a d’ailleurs co-écrit la bande-son du film avec John Lurie, qui joue dans le film. C’est Wim Wenders qui le convaincra, sans trop de difficulté, de poursuivre sur cette voie lorsqu’il verra le film juste terminé.
Permanent vacation est un road movie « à pied » car Jim n’avait pas les moyen de le faire autrement. Dans son esprit, d’ailleurs, et sur le scénario, le rythme du film aurait dû être bien plus rapide. Le jeune homme qui joue le héros, Chris Parker, était quelqu’un de dynamique et de nerveux. Ce n’était pas un comédien, aussi, lorsque la camera tournait, il adoptait bizarrement un rythme très lent aussi bien pour la marche que pour le débit de sa voix. Comme Jim n’était pas metteur en scène, il ne savait pas le diriger, il lui laissa donc cette liberté qui convient étonnamment bien à l’histoire. Une histoire sommaire puisqu’il s’agit de passer deux jours et demi avec Allie Parker qui, laissant sa copine seule dans leur squatt, erre dans un Manhattan en friche, dort à la belle étoile, rencontre des êtres singuliers, marginaux, musicos. C’est une balade punk et jazzie, poétique et creuse, entre romantisme et bourdon. C’est lent, c’est beau, c’est touchant, touchiant parfois, c’est original et originel : on devine le style de Jim lorsqu’il s’y mettra pour de bon, c’est à dire dans Stranger than paradise en 83.
Ce qui est sidérant dans la séquence en lien ci-dessous, c’est la présence invisible de Basquiat. Car Basquiat, qui faisait partie des potes de Jim, squattait la piaule où a été tournée cette scène de danse. En fait, il pionçait dans un coin. Lorsque Jim déplaçait la camera pour le plan suivant, l’équipe faisait glisser le sac à viande et Basquiat continuait à roupiller. Et c’est assez drôle de savoir qu’il est dans la pièce, juste derrière mais qu’on ne l’y verra jamais.
Pour voir cette magnifique séquence, superbement éclairée, c’est ici.

Pascale O. par Jim J.

Pascale Ogier à Paris en 1981
Pascale Ogier à Paris en 1981

« Au début des années 80, au Canada, j’ai fait la connaissance de Bulle Ogier et de sa fille, Pascale, et je suis devenu très proche de Pascale. D’elle, je dirai juste ceci : elle combinait la plus sensible féminité, la beauté et l’esprit d’un criminel intellectuel. Toute autorité, tout ce que l’on tente d’imposer à votre cerveau lui faisaient horreur et la mettaient en colère. Pas de contrôle sur Pascale. Elle était très sélective, mais seulement pour pour pouvoir échapper à ce contrôle. On ne rencontre pas souvent une personne aussi jeune et aussi avisée du monde. J’aimais sa culture, je l’aimais, elle : cette façon de se comporter en criminelle. Elle était une personne. Elle était comme personne. »
Pascale Oger (1958-1984).

Photo Faux. Sipa. Texte Jim Jarmusch recueilli par Philippe Azoury pour Libé.

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