Titre du dernier roman de Bill Clegg, vous savez, celui de « portrait d’un fumeur de crack en jeune homme » (voir ici), roman très noir de sa descente aux enfers. Ici, le personnage central est une femme, June. Une femme au bord de rien, morte de l’intérieur si on peut dire car, dans l’explosion de sa maison, elle a tout perdu : sa fille qui allait se marier le lendemain, son futur gendre, son amant, superbe noir beaucoup plus jeune qu’elle et son ex-mari dont la fille avait exigé qu’il dorme dans la maison. A partir de là, elle ne dit plus un mot. Après s’être écroulée dans une maison isolée prêtée par une amie, elle prend la route pour retrouver les endroits dont sa fille, qui s’était éloignée d’elle pour des raisons qu’on comprendra, lui avait parlé, dormant le plus souvent dans sa voiture et se nourrissant de saletés achetées dans les stations d’essence. Puis elle finit par s’installer dans un modeste hôtel tenu par un couple de femmes qui vont respecter son silence, son absence, son incognito.
Le livre est écrit selon un procédé pas vraiment nouveau qui est, non le point de vue de divers personnages, mais leur histoire dont on appréhende peu à peu les interactions, et qui, tels les morceaux d’un puzzle improbable, nous donneront la vue d’ensemble du pourquoi et du comment cet incendie a éclaté, contre toute attente. Les portraits sont superbes, fins, étonnants, riches. Très beau livre !
Et toi, tu as une famille ? de Bill Clegg 2015. Chez Gallimard en 2016 avec la traduction de Sylvie Schneiter. 284 p. 20 €.
Texte © dominique cozette