
Rentrée littéraire. Oui, c’est une ode à sa mère et à toutes celles qui s’occupent de leur famille en silence, parce qu’il faut bien le faire, que Ramsès Kefi a écrit Quatre jours sans ma mère. Et sans lui ressembler vraiment, cette mère modeste me rappelle celle de La crise de Coline Serreau qui, un beau jour, décide de vivre pour elle. Souvenez-vous de cette formidable tirade de Maria Pacôme : « Pendant trente ans je vous ai torchés, nourris, couchés, levés, consolés, tous les trois. J’ai repassé vos chemises, lavé vos slips, surveillé vos études. Je me suis fait des monceaux de bile, je n’ai vécu que pour vous, qu’à travers vous. J’ai écouté toutes vos histoires, vos problèmes et vos chagrins, sans jamais vous emmerder avec les miens. Alors maintenant, je prends ma retraite. Toi, il te reste une longue vie devant toi pour résoudre ta crise; moi il me reste très peu de temps pour résoudre la mienne. Alors tu permettras que pour une fois je m’occupe de mes affaires avant les tiennes. »
Ici, on voit Salmane, le fils de trente-huit qui, tel un Tanguy, vit encore chez eux, dans un HLM, tout du moins avec ses potes tels des zyvas, sur le parking délaissé, alors qu’il a tous les diplômes pour une belle situation. Mais il ne peut se résoudre à vivre autrement, c’est son domaine, son nid, son giron. Il n’en revient pas du départ silencieux de cette mère aimante et qu’il aime mais dont ils (son père et lui) ont encore oublié de fêter l’anniversaire, de passer un peu de temps avec elle.
Le père père les plombs. Une femme ne fait pas ça, on ne quitte pas son mari (qui passe son temps au café avec ses amis), on ne brise pas sa famille sans raison ni explication. Il se met à tout péter dans la maison, il retire même son alliance.
De prime abord, on ne sait rien de cette famille, ils ne parlent jamais d’avant. Avant quoi ? Avant leur vie ici, en France. Interdit. Interdit aussi de parler arabe. On ne sait pas d’où ils viennent, qui étaient leurs parents etc…
C’est ce tissu mystérieux que Salmane va tenter de déchiffrer pour entreprendre la recherche de sa mère malgré les réticences de son père qui ne veut pas entendre parler.
Le titre dit clairement qu’au bout de quatre jours… Le langage de ce premier roman est fleuri, original et peu à peu on sent notre Tanguy, outre s’occuper de son père, accéder à l’âge adulte.
Quatre jours sans ma mère par Ramsès Kefi, 2025 aux éditions Philippe Rey. 208 pages, 20 €
Texte © dominique cozette