
Journal d’un exilé est le premier roman d’Amadou Barry. Cet auteur vient de Guinée. Il raconte la vie d’un exilé (il préfère ce terme à celui de migrant), Dramé, qui arrive en France après de grosses difficultés dans son pays et déchante très vite. Sans papiers, tu n’es rien et il s’en rend vite compte.
Il atterrit dans « le tunnel » aux abords de Paris où sont alignées tout plein de tentes qui constituent des carrés, celui des Afghnas, celui des mineurs etc…
Il tente de se rapprocher de certains et se rend compte qu’ils ne sont pas prêts à se confier, à parler d’eux-mêmes. Des taiseux. Cependant, l’un d’entre eux, Fodié, Ivoirien et intellectuel car il a des diplômes, lui propose de partager sa tente sans aucun échange. Quelle générosité. Et là, Dramé se rend compte que l’instruction, ça a du bon pour argumenter, lui qui a arrêté l’école trop tôt comme un idiot. Fodié lui enseigne beaucoup de choses, la philo par exemple, et l’incite à lire. Sa tente est d’ailleurs emplie de livres dont le très important Procès de Kafka qui n’est pas sans rpport avec ce qu’ils doivent affronter. Fodié analyse tellement bien les choses, l’état actuel de l’Afrique, leur situation par rapport à la politique, le racisme, l’attitude à toujours garder etc… que Dramé ne cesse de l’encourager à écrire son livre. Il ne le fera pas et il aura enfin ses papiers, mais c’est à ce moment-là qu’il meurt, laissant Dramé désemparé parmi tout le bordel de cette vie de merde.
Entre temps, ils auront connu les dealers qui font une promo effrénée de leur drogue (et ça marche auprès des mineurs qui deviennent enragés dès leur premier manque), les bagarres desquelles il vaut mieux s’éloigner, une nana seule mais costaude, sachant imposer le respect, et d’autres personnages hauts en couleurs. Il aura pu se faire embaucher à la volée pour des boulots durs et mal payés.
Dramé n’est pas un perdreau de l’année, il critique de façon très cash notre culture, les faux-semblants ou alibis que nous nous donnons pour avoir la conscience tranquille : « Vous devez entendre nos cris, vous allez voir nos gueules. Ces gueules que vous fuyez en signant un chèque pour une association, ou une pétition. Je n’ai plus envie de me taire, et je sais que je ne suis pas le seul. Nous ne voulons plus servir de défouloir à vos politiciens en mal de popularité ni être votre souffle-douleur ni des boucs émissaires. »
Un livre très humain, dur, qui ne remonte pas forcément le moral en ces temps délétères.
Journal d’un exilé d’Amadou Barry, 2024, aux éditions Julliard. 254 pages, 21,50 euros.
Texte © dominique cozette