Défense de pleurer

Les éditeurs sont des professionnels et pourtant je ne vois pas en quoi la couverture de Premier avril de Frédéric Ploussard ressemble au contenu du roman. Oui, il s’agit d’un roman, c’est écrit mais j’ai lu ceci : « Papa solo élevant ses deux enfants suite au décès de son épouse, Frédéric Ploussard s’est inspiré de son expérience pour écrire son troisième roman. Après Mobylette et Tout Blanc, il a publié « Premier Avril ». En réalité son premier manuscrit, écrit l’année qui a suivi le décès de sa femme. » Ceci montre que le corps de l’histoire, la mort de son épouse adorée suite à un cancer du côlon, a réellement eu lieu. Les descriptions des soins, des effets indésirables de cette douloureuse maladie, des unités de soins etc sont trop précises et importantes pour n’être que de la fiction. Mais il a fallu que je cherche pour trouver. Jamais ce n’est dit.
En fait, c’est un livre qui nous offre un fabuleux mixage d’humour, de drame, d’un peu de méchanceté (les vengeances), de poésie. Anne, sa femme, est un personnage d’une drôlerie extraordinaire, frappadingue parfois, farfelue pour le moins, super battante et ultra-costaude. Avec son mari et les gamins, ils préparaient chaque journée du premier avril pour en faire une expédition obligatoire où, à part toutes les blagues qu’ils concoctaient pour chez eux, ils collaient des centaines de poissons magnifiques dessinés et découpés par eux.
La famille avait des règles spéciales : on n’avait pas le droit de dire les pires gros mots sauf en passant dans les tunnels. Et ça y allait ! Les enfants avaient leur journée où les parents étaient obligés de dire oui à toutes leurs demandes. Pas d’école ce jour-là, bien sûr.
Ce portrait magnifique, cette fin de vie bouleversante se jouent au moment où Pierre est en butte aux sales types de la boîte éducative où il bosse. Il sera viré, puis réintégré, installé dans un cagibi pourri. Il y a aussi cet oncologue qui va prendre sa retraite et se fout totalement de ce qui arrive à Anne. Et puis cet autre qui annule un RV pour lui annoncer le pire par téléphone. Tous les malotrus vont le payer par des vengeances très créatives que Pierre va mettre à exécution le premier avril qui suit la mort de sa compagne, en son honneur.
Livre à la fois dur et fondant de tendresse qui nous fait tellement aimer ce papa qui se débat pour que les enfants n’en souffrent pas. Il se situe près d’Aubenas en Ardèche, ce qui veut dire aller dans des hôpitaux loin de la maison, concilier trajets, travail, journées et/ou nuits à l’hôpital avec une âme de poète et une humanité hors normes.
En quatrième de couv’, l’expression « botter le cul au chagrin » illustre parfaitement le ton de cet ouvrage.

Premier avril de Frédéric Ploussard , 2025 aux Editions Héloïse d’Ormesson.
304 pages, 20 €.

Texte © dominique cozette

Social media & sharing icons powered by UltimatelySocial
Twitter