La vérité sur la Vérité, ou une mise en abyme vertigineuse

On connaît tous le film de Clouzot avec BB dans le box des accusés. Mais qui connaît Pauline Dubuisson, la femme qui tua son amant, fut condamnée à perpète et inspira le film ? L’affaire fit grand bruit en son temps d’autant qu’en investiguant, les journalistes ont découvert un sombre passé que le livre raconte.
Je vous écris dans le noir est un livre d’une puissance phénoménale qui reprend l’histoire de Pauline, victime de la vie, de la guerre, puis du film et de la suite de sa vie. Qui raconte ? Un écrivain, Jean-Luc Seigle, entré avec brio dans la peau plus qu’inconfortable de l’héroïne. Sous la forme d’un roman, non d’une bio.
Donc, Pauline, d’une famille petite-bourgeoise ravagée par la mort de deux fils tués pendant la guerre, amoureuse de son père qui le lui rend mal, découvre le sexe à 13 ans, à Dunkerque où elle vit. Elle est très bonne élève et veut être médecin. Elle obtient son bac très tôt, mais pour la punir de ses frasques, son père l’empêche d’aller à la fac. Et la présente au colonel allemand responsable de l’hôpital et qui pourra lui apprendre des choses. Mais surtout, lui donner toutes les victuailles qu’il veut (c’est l’occupation, il n’y a plus rien à manger). Et, bien sûr, elle couche avec lui.
A la libération, heureuse de partir étudier, elle est arrêtée — elle n’a pas 16 ans — puis tondue (cheveux et pubis) en place publique, emmenée dans un abattoir, condamnée à mort par les « nouveaux » résistants.  Mais avant, les justiciers la violent, la frappent, la torturent, l’humilient. Son père, soldat respecté, réussit à la sauver. Ils partent loin de cet enfer. Elle commence médecine, ça la passionne, tombe amoureuse d’un étudiant, c’est réciproque, et un jour il la demande en mariage. Honnête, elle dévoile son passé honteux. Alors, il la plaque. Plus tard, elle le tue (il faut lire pourquoi) et tente de se suicider. Elle est de nouveau condamnée, mais ne fera « que » 9 ans pour bonne conduite.
Sa mère va alors s’occuper d’elle, tenter de la reconstruire. Hélas, le film sort et sa vie est de nouveau sous les projecteurs. Elle fuit alors au Maroc, à Essaouira. Ce pays, sa douceur, la réconcilie avec la vie. Et un homme formidable tombe amoureux d’elle, elle aussi. Il la demande en mariage. Cette fois encore, elle ne se sent pas le droit de lui cacher son passé trouble car de toute façon, son vrai nom apparaîtra sur les papiers.
Le livre est la très longue lettre qu’elle écrit à cet homme pour tenter de lui expliquer qui est elle, pourquoi elle a tué. C’est très fort, parfois insoutenable, c’est une très belle réhabilitation de cette femme que personne n’a su comprendre.

Je vous écris dans le noir par Jean-Luc Seigle aux éditions Flammarion, 2015. 236 pages, 18 euros.

Texte © dominique cozette

Mai 67… un bon petit bonbon !

Si vous n’avez jamais lu un bonbon, essayez celui-ci. Mai 67 est le dernier opus de Colombe Schnek, c’est une brève histoire d’amour entre BB et un timide assistant costumier. L’auteure nous prévient qu’il s’agit bien d’une fiction. L’anecdote est inventée mais Brigitte est bel et bien là, je devrais dire belle et bien. On va jusqu’à entendre sa voix dans les dialogues.
C’est un bonbon, un vrai marshmallow, pas de prise de tête, pas de phrases à double sens, ni trop longues, ni trop drues. C’est écrit gros, double interligne et vastes marges. Commencé hier soir, fini au réveil, avec une nuit entre les deux. Et puis on se place du point du vue du jeune homme — puisqu’il écrit l’histoire sous forme de lettre —  un jeune homme peu averti qui a couchaillé avec deux ou trois femmes encore coincées (on est avant 68, avant la pilule, avant les hippies et avant je t’aime moi non plus). Il n’en revient évidemment pas de se voir appelé dans la chambre de la plus belle fille du monde. Et de la plus libre des femmes.
BB, on le sait pour qui s’intéresse à elle, a horreur du vide, comme la nature. C’est une nature, elle est nature, elle n’a pas de tabous. Son mari, le milliardaire Sachs la délaisse mais la fait surveiller. Alors, malade de solitude, elle se trouve un petit homme mignon et gentil qui va faire tout ce qu’elle veut.
Et comme il vient du monde de la confection, il se permet de nous décrire tout ses chichis, ses fanfreluches, ses décors. On s’y retrouve sans peine. Il sait bien, le pôvre, que ça ne va pas durer éternellement, il sait bien qu’il n’est pas à la hauteur, il ne peut que profiter de cette chance inouïe de prendre (et donner) du plaisir à la plus grande star du monde.
Lecture facile, plaisir régressif que de revivre ces années de minijupes naissantes, de festival de Cannes pas encore industrialisé, de célébrités vivant encore de façon assez simple. Très documenté, ce bouquin semble résumer à la perfection toutes les aventures anti-solitude de Bardot. C’est frais, c’est léger, ça se lit sans faim !

Mai 67 par Colombe Schneck. Aux éditions Robert Laffont. 2014. 256 pages écrites gros.

Le mépris, 50 ans après.

Le mépris fête ses 50 ans. Un film de toute beauté qui raconte l’histoire d’un mec et d’une nana mais il y a aussi plein de gens autour. Ça se passe en Italie dans la villa de Bonaparte (je me trompe mais pas de beaucoup). C’est un tournage dans le tournage. Un film dans le film. Comme une mise en abyme. Car elle est abîmée, la meuf !
Je veux parler de Frigide Barjot. Ah, ils l’ont embellie pour l’occasion ! C’est une des nombreuses techniques cinématographiques comme on en connaît tant. Ça a été long et difficile mais Grodard, le réal, a dit que c’était pas important puisque de toute façon, cette meuf elle finirait avec un moins que rien. Une sorte de Zéro, quoi.
Dans le film, Frigide met une perruque brune pour faire diversion, pour que les gens du mariage pour tous — le mariage gay, vous aurez rectifié — l’envisagent autrement que comme une hystérique. Elle lui demande, au mec, Eric Woerth — qui, lui, porte avec un chapeau pour dissimuler sa casquette en peau de fesse, cet homme est un dissimulateur — donc elle lui demande s’il aime ses doigts de pieds, ses sourcils, son nombril et ses fesses. Si c’est pas abuser, ça ! Oui, il aime tout ça, qu’il lui répond. Mais elle n’a pas l’air heureuse de tout le film, ça m’étonne pas, c’est une chieuse. Jamais contente ! En même temps, il se conduit comme un vrai lâche, il dit rien qu’il y ait un autre type, un Amerlock, qui n’arrête pas de la reluquer. A la fin, elle meurt, elle s’emplafonne sous un putain de camion, on pas va pleurer, non plus. Bon débarras !

Texte et dessin © dominique cozette

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