La peau, les os, les tendons de Berlinde

Berlinde de Bruyckere est une artiste flamande, comme son nom l’indique. Son travail est sidérant car il se situe entre le réel et le monstrueux, le beau et le répugnant, le monumental et le fragile. Ses œuvres, en effet, sont réalisées principalement à base de cire et recréent de façon ahurissante les parties de corps qu’on voit chez le boucher quand il désosse un animal : entre la chair, le tendon, le muscle, les veines et l’os, le tout vaguement rosé, bleuâtre, beige mais surtout translucide comme parfois nos organes.


Je l’avais vue une première fois à Avignon, il y a quelques années, au Palais des Papes, avec ses chevaux accrochés au-dessus de nos têtes, des chevaux hyper réalistes et tellement ressemblants à ce qu’ils sont dans leurs souffrances et leurs blessures que c’en était douloureux. Pour garder en mémoire les millions de chevaux morts sur les champs de bataille. Il faut savoir que Berlinde de Bruyckere ne fait aucun mal aux animaux, elle récupère les animaux morts ou les peaux auprès de tanneurs.

 

Son père était boucher, sa mère fleuriste. Elle travaille beaucoup le végétal d’ailleurs mais c’est forcément moins ahurissant que les pseudo cadavres des êtres de chair et de sang. Je ne suis pas qualifiée pour vous parler du côté sacré ou religieux de son travail, je sais que son atelier est situé dans un ancien monastère et que son enfance a baigné dans le respect de la religion. Et pour contrebalancer, elle a insufflé une grosse charge érotiques à certaines pièces et à ses dessins qui nous ramènent à ce entre quoi nous balançons : eros et thanatos.

 

Outre la cire, elle utilise aussi le métal, les peaux et beaucoup les textiles, couvertures dont elle a recouvert ses archanges dans l’expo. Des couverture ou autres matières qu’elle laisse pourrir, se trouer, s’effilocher. Parfois aussi, beaucoup de très longs cheveux dont elle pare ses personnages pour cacher leurs visages.
A la fin de l’expo, très importante, magnifique, on a réservé une pièce où sont étalés les matières qui font ses œuvres car il est vrai qu’on meurt de ne pas pouvoir les toucher : ici, on peut les tripoter, les soupeser, les appréhender.

 

Si vous n’êtes pas loin de Montpellier, allez absolument voir cette artiste, elle est impressionnante, provocante et admirable.

Berlinde de Bruyckere au MO.CO de Montpellier jusqu’au 2 octobre 22.

Texte © dominique cozette

Les Papesses d’Avignon, c’est d’enfer !

L’exposition les Papesses à Avignon, c’est du lourd. Cinq artistes « papesses » en hommage à Jeanne, la seule femme pape, morte en couches avec son bébé pour ne pas se faire choper. Il faut bien donner un titre aux expos, d’autant que celle-ci investit le Palais des Papes — pour de monumentales oeuvres — en plus de la confortable galerie Lambert.
Ces cinq monstres de la création sont Camille Claudel, Louise Bourgeois, Kiki Smith, Berlinde de Bruyckere et Jana Sterbak.
Dès l’entrée, j’ai  été scotchée par le travail, répugnant pour certains, admirable pour d’autres dont moi, de Berlinde de Bruyckere, sculptrice flamande née en 1964, présente pour la seconde fois cette année à la biennale de Venise. Les pièces exposées ici sont principalement faites de chair, d’os et de sang, je veux dire de cire tellement bien travaillée qu’on dirait de vrais parties humaines ou animales. Sidérant.

La souffrance, la mort, les assemblages fusionnels, les mutilations, les inventions de monstres sont une résurgence de son éducation bien-pensante mêlée à l’ambiance morbide de la boucherie familiale. La mythologie l’a beaucoup inspirée, de légendaires cerfs aux bois fantastiques ont façonné son inspiration.

Le plus impressionnant est ce cheval monstre, gigantesque, dérangeant, vraie peau, fausse anatomie, pendu comme à un croc de boucher sous l’immense hauteur de plafond du Palais des Papes

Et entre autres nombreuses autres sculptures de Berlinde de Bruyckere, voici Caroline aux cheveux en crin de cheval, et « cousu ensemble » :

Passons à l’inénarrable Louise Bourgeois dont certaines oeuvres sont  tellement connues, comme les araignées, que je ne les ai pas photographiées. Ainsi que ses installations, vastes, qui ne rendent pas bien comme on dit. Voici donc quelques dessins et peintures que j’aime beaucoup, qui traitent de la conception et de maternité. Il faut voir aussi le film  où elle exprimait son féminisme : c’est très très drôle ! Sacrée nana !

Pour les mêmes raisons, j’ai fait l’impasse sur la délicate Camille Claudel. Je vous offre quand même cette oeuvre superbe et une lettre écrite de sa main où elle avoue aimer le saucisson. C’est touchant, d’autant que ses missives n’étaient jamais envoyées à son frère Paul, interdiction  de leur mère, et étaient conservées dans son épais dossier médical visible ici pour ceux/celles que les documents passionnent. C’est passionnant…

Une papesse que je ne connaissais pas : Kiki Smith, grande figure de la mouvance féministe américaine à la fin du siècle dernier.  Elle a réalisé dans cette expo beaucoup de couronnes, oui, des couronnes de rois, avec des étoiles, qui m’ont laissée de marbre. Mais j’ai énormément apprécié ses magnifiques tableaux, dessins sur papier népalais,  bronzes et quelques sculptures.


Pour finir, voici Jana Sterbak, mais si, c’est elle qui a inventé la robe en viande, portée par Lady Gaga (je ne parle pas de Liliane Bettencourt). Elle n’arrête pas de créer de drôle de vêtements étonnants. Entre autres, une robe électrique qui irradie lorsqu’on s’en approche (imphotographiable), un petit haut avec toison virile incrustée, une chemise de nuit en organdi avec le même motif, et, idéal pour les soirées qui s’éternisent, des chaises au siège et au dossier de glace qui fondent en quelques heures en ne laissant que leur ruine… Elle fait aussi beaucoup de boules, de très belles et très grosses boules, mais les boules, bon, hein…

Pour en savoir plus, allez sur le site des Papesses. Ou direct à Avignon, c’est à 5 mn de la gare, et il y a un petit resto de tapas très miam : Tapas locas, 15 rue Galante, 7/7 de midi à 1 h. du mat’. N’y venez pas de ma part, j’y vais incognito…

Texte © dominique cozette

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