Imaginez un deuxième pavé sur l’histoire de ces deux filles, L’amie prodigieuse (lien ici) qu’on avait quittées à 16 ans, durant le mariage de l’une d’elles que je ne vais citer pour ne pas spoiler la suite. Ce pavé, Le nouveau nom, est tout aussi passionnant. Je vais vous dire pourquoi. Mais avant, je me suis renseignée et j’ai appris que :
1/ l’auteure se cache sous le pseudo d’Elsa Ferrante. Personne ne sait qui elle est même si on peut supposer que c’est une femme née en 1940, comme la narratrice appelée aussi Elena.
2/ deux autres tomes sont à venir et c’est tant mieux car ce deuxième tome s’arrête lorsque les filles ont quelque chose comme 25 ans et que l’une d’elles, ayant terminé ses études, est au seuil de la grande aventure de la vie alors que l’autre s’est emmurée vivante avec un homme qu’elle estime mais trop pauvre pour lui permettre de vivre confortablement. Elle ne couche pas avec lui mais vit avec ainsi que le petit garçon qu’elle a eu d’un homme adoré. Et elle travaille dans une répugnante usine à charcuterie, dans des conditions épouvantables.
Donc si le premier tome campait les personnages avec finesse et en profondeur, celui-ci, même s’il continue à sonder les sentiments, revirements, nuances, trahisons etc, s’axe essentiellement sur le plafond de verre que constitue la barrière entre riches et pauvres.
L’héroïne qui poursuit, avec l’aide indéfectible des enseignants car elle est très douée, ses études se décourage très souvent car personne ne lui a donné les clés du savoir, de la rhétorique, la pratique du débat d’idées. Pourtant, elle bûche comme une tarée, mais toujours avec cette sorte de motivation d’être à la hauteur son amie, même si elle n’étudie plus — ou en cachette. Après avoir réussi au concours pour jouir d’une bourse et suivre des études supérieures à Pise — quittant enfin son milieu pourri — elle joue à fond la réussite en se donnant des objectifs illustrées par des personnes qui lui paraissent au même niveau qu’elle. Ce qui est faux, elle s’en rendra compte à maintes reprises. Son origine sociale lui fait honte et même si elle fait tout pour gommer son accent et pallier quelques erreurs syntaxiques dues au fait que chez elle, on parle surtout le patois, les étudiants soulignent en se moquant ses failles. Elle s’en sort, encore, jusqu’à ce qu’elle rencontre un étudiant d’une famille très bourgeoise. Malgré la gentillesse de la famille, elle doit toujours se forcer pour être à la hauteur alors que chez eux, tout est naturel. Elle s’aperçoit aussi que ce qui a manqué dans l’enfance au niveau de l’éducation ne peut pas se combler, ni même le manque de relations ou de références. Allié au fait qu’elle est très pauvre et que ça se voit à ses vieux vêtements, elle reste l’éternelle complexée de sa promotion malgré les lauriers que lui tressent les enseignants. Au niveau de sa famille et de son quartier de Naples, lorsqu’elle revient avec son diplôme, elle voit que si on l’admire quelque part, ça ne va pas très loin car à quoi sert-elle dans leur petite société ultra matérielle. A rien. Mais un événement se fait jour : un roman (en fait, l’histoire de ses vacances où elle s’est fait dépuceler) écrit juste pour elle et offert à son fiancé (avec regret car elle le trouve le livre nul) atterrit chez un éditeur et va faire peut-être changer le cours de sa vie.
Pendant tout ce temps, son amie erre dans sa vie en adoptant souvent des comportements très dangereux qui la font mal voir de tas de gens et maltraiter par ses proches. Elle connaîtra aussi une passion fulgurante mais elle sait que tout se termine et semble blindée pour tout. Rien ne peut l’atteindre, c’est ce qui fait sa force mais qu’a t-elle à y gagner ? Rien.
(A suivre)
Le nouveau nom d’Elena Ferrante, 2012 en Italie, 2016 chez Gallimard, traduit par Elsa Damien. 554 pages, 23,50 €.