Ni Loup ni Chien est encore un conseil de mon vendeur Gibert et je le remercie de cette superbe initiative. Ce récit est écrit (dans la douleur) par Kent Nerburn qui avait déjà commis un ouvrage sur les Indiens. C’est pourquoi il fut appelé, par la petite-fille d’un vieil Indien, pour recueillir le témoignage de ce sage qui avait vécu la colonisation de leur territoire et de leur culture par les hommes blancs.
Lorsqu’il écrit son premier jet à l’aide d’une caisse de notes et de documents précieusement gardés par Dan le vieil indien après duquel il s’est installé, l’ami de celui-ci exprime une critique acerbe : tout cela semble écrit par un homme blanc qui veut se mettre dans la peau d’un des leurs. Aïe. Donc ça n’a rien à voir avec ce que Dan voudrait exprimer sur leur existence. Point final.
L’auteur, qui était venu sans savoir où le conduirait cette aventure, jette ses brouillons.
Quelques temps après, la jeune fille le rappelle, il doit venir d’urgence. Même s’il n’a pas que ça à faire, ses activités professionnelles plus femme et enfants avec qui partager son temps, il revient et découvre le vieil Indien devant un feu : il brûle tout ce que contenait la caisse. Et alors, il propose à Kent de rester quelques temps avec eux afin qu’il lui « parle ». Les Indiens n’ont pas le sens du temps qui passe, ni de la propriété, ni de la valeur qu’on accorde aux choses matérielles, leur philosophie c’est juste se plier à l’instinct et à la voix de la nature. Et de rester extrêmement humble.
Lui, Dan et l’ami indien vont partir en road trip avec la vieille chienne et Kent va peu à peu découvrir l’histoire (très dure) de Dan. Mais c’est un petit-enfant de Dan qui lui apprendra la chose la plus hallucinante sur le vieil Indien épris de traditions : il a jadis épousé une femme blanche dont il a eu des enfants.
Tout le récit récolté par l’auteur est éminemment passionnant sur ce qi’ils ont vécu durant la construction des Etats-Unis : spoliation des natives, endoctrinement des enfants arrachés à leurs parents, traitements horribles infligés par les conquérants etc. Et tout cela, raconté sans aménité. L’Indien est (était) un peuple d’une grande bonté et avait cru que l’homme blanc voulait partager cette douceur de vivre avec lui.
Passionnant.
Ni loup ni chien (Neither Wolf nor Dog, 1098-2002), traduit par Charles Pommel, 2003 aux éditions du Sonneur. 440 pages, 24,50 €
Texte © dominique Cozette