Les Beatles et moi

Oui, vous avez bien vu, sur cette photo réalisée par votre serviteuse durant l’hiver 64, deux des Beatles — et bizarrement les survivants — rue Bayard ou François 1er je ne sais plus, la rue de RTL où se déroulait l’oubliée émission Balzac 10 10 ou Balzac dix deux fois, de Jacques Garnier, Philippe Adler avec souvent la collaboration de Francis Weber. C’était pour concurrencer Salut les Copains, elle avait lieu à la même heure mais elle a fait pschitt assez rapidement. Sur Google, il n’y a presque rien. C’est en faisant un peu de ménage dans mes vieilles affaires que je suis retombée dessus. Je l’avais idéalisée, je l’imaginais plus… plus réussie.
Donc moi qui traînais à SLC très souvent, je n’ai pas résisté à l’appel de Bal 10 10, je m’y suis conviée avec culot et y ai été reçue avec gentillesse. Et un jour, ils m’ont prévenue de la venue des Beatles qui faisaient l’Olympia en vedette américaine de La Plus Belle pour Aller Danser et Trini Si j’avais un marteau Lopez (j’y était, forcément !). Les quatre garçons dans le vent ne suscitaient pas encore la folie des quelques mois plus tard, mais quand même, ils créaient l’événement. Tous leurs 45 tours se vendaient comme des petits pains, moi-même je les avais connus avant tout le monde puisque ma correspondante anglaise m’avait envoyé Love me do, leur premier 45 t. simple.
J’ai ainsi passé toute l’émission sur les grands banquettes en velours entourée de ces quatre phénomènes aux cheveux longs (!) que je ne comprenais pas vraiment. J’avais pour pratique de ne jamais demander d’autographe (j’ai fait exception pour Gene Vincent), je suis restée coite, mais j’avais apporté mon petit appareil. Et ce n’est que dehors, parmi les fans qui se pressaient dans le froid, que j’ai pu capter cette superbe photo où l’on devine Paul et Ringo. Sir Richard Starkey et sir Paul Mc Cartney. Une belle gifle à Jean-Marie Périer, non ?
En cherchant un peu plus d’infos, je découvre que les Fab Four ont donné leur tout premier concert juste avant l’Olympia, à Versailles, sorte de test qui se faisait régulièrement. (Voir lien ici)
Et une photo de cette chouette époque où on descendait direct de l’avion parmi les gens qui venaient nous accueillir. Notez que parmi cette petite foule de personnes d’âge indéterminé parfois tonsurées, ça manque de jeunes filles hystériques en larmes. Ça viendra vite.

 

Le blouson de Françoise Hardy

Mais que fait ce blouson sur le dos de ces deux filles qui ne se connaissent pas ? N’est-ce pas le blouson que Françoise Hardy arborait sur une célèbre couverture de Mademoiselle Age Tendre, MAT pour les connaisseuses, probablement photographiée par Jean-Marie Périer, alors compagnon de la chanteuse, ou pas car devenue celle de Dutronc mais restée une des meilleures amies du photographe ? On devait être en 65 ou 66, j’étais à la fac de droit, choix de mon paternel — qui peut imaginer une seconde que la fille que j’étais ait eu l’idée sotte et grenue d’entrer dans ce mouroir à créativité qu’était ce bâtiment d’une laideur absolue sis rue d’Assas ? — Là, étudiaient les jeunes minets costumés et cravatés, jetant les juteuses bases d’une carrière prometteuse, dans la politique ou les affaires, quelques futurs maîtres du barreau aussi, ainsi que des jeunes filles bien mises aux cheveux denses retenus par de fiers serre-tête en velours, fouillant de l’œil discrètement maquillé le grand amphi bourré jusqu’à l’estrade les jours où officiait l’icône de l’époque, Maître Maurice Duverger, dans l’espoir d’y repérer celui qui leur ferait plus tard de beaux enfants blonds comme sur les photos de Jours de France et les emmènerait à la Baule ou au Croisic manger des crêpes complètes. Je vous rassure, je n’y ai connu personne et le fait que je suis venue dans cette maudite fac en blouson clouté et  jeans n’a rien changé.
Bon. Donc le blouson.
J’étais encore, malgré ma maturité de bachelière, assez souvent fourrée à MAT, j’aimais ces filles pétillantes, cette ambiance open-spacy rigolote de rédaction où s’accumulaient, fringues, pompes, books de mannequins, où passaient les photographes, où j’aidais parfois à trier des courriers, où je me projetais aussi comme potentielle future journaliste, où arrivaient plis et paquets livrés par un très jeune mec, Yves je crois, un titi parigot souriant, moustache naissante et gouaille d’un Jean-Pierre Léaud fin d’ado, le coursier de Salut les Copains et MAT. Un type adorable. Et c’était son perfecto. Il avait inscrit dessus Françoise Hardy, l’avait customisé, il était unique et avait tapé dans l’œil de je ne sais qui, qui eut l’idée d’une photo avec Françoise dedans. Oui, Yves avait bien entendu : Françoise porterait son blouson. La photo fut faite.
Et comme j’adorais les blousons noirs et les vêtements de cuir, je lui demandais s’il pouvait me le prêter aussi, à moi, pauvre inconnue sans aucune garantie de ne pas me voir disparaître avec. Et vous savez quoi ? Il me l’a prêté quelques jours, le temps de frimer à Assas, sauf que ça ne faisait pas de moi le genre de nana sur lesquels ces minets fantasmaient, et de demander à ma sister de me faire quelques photos avec. Je lui en fis aussi, d’ailleurs. Vous remarquerez que l’une fume et l’autre pas et c’est drôle de penser que nos principales chanteuses de l’époque yéyé étaient tellement sages. Aucune des icônes, Sylvie, Françoise, Sheila, France Gall plus tard, ne fumait, ne faisait de frasques, ne provoquait de mini-scandales mondains ou ne se dopait comme les petites Anglaises d’en face, comme le fera plus tard Jane, drogue exclue. Juste, elles portaient parfois un blouson noir.
Je n’ai pas pu résister à l’envie de le faire figurer sur la couverture de mon livre, recto-verso avec ça. Regardez bien, c’est écrit FIN, au dos, clouté à la main. La fin de quoi ? Sûrement pas la fin des haricots !

Texte © dominique cozette.

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