Nicolas Fargues nous encameroune

Attache le coeur est un petit livre vite lu mais bien lu car il relate, par de courtes anecdotes bien senties, les clichés d’une françafrique camerounaise souvent mal embouchée, le racisme petit-blanc ou l’inverse, comment se vit-on quand on est de là-bas ou qu’on vient d’ici (de Paris, d’Europe), universitaire ou pas, femme ou homme, blanc ou noir, vieux ou jeune, bosseur ou branleur, riche ou pauvre, con ou pas, naïf ou cynique… C’est toute une galerie de portraits criants de vérité, enfin je n’en sais rien mais ça le semble, qui nous interpellent parfois de leurs voix chantantes si africaines, avec un glossaire au début du livre pour mieux comprendre.
Entre les expats, les ex-expats, les missionnés français qui viennent au Cameroun pour de vagues collaborations qui ne servent à rien, les tatas et tontons qui conseillent les plus jeunes, ce gros répugnant de petit blanc qui vit là parce que les petites putes noires sont enthousiastes et pas chères, ce grand beau black si différent mais qui devient aussi macho que les autres quand il s’installe avec une nana, cette mère et ces filles qui se font belles pour retourner au pays, ces voyageurs bloqués à Roissy une semaine parce que la compagnie du Cameroun n’a pas payé sa taxe d’aéroport… c’est un régal de situations qu’on ne lit pas ailleurs, surtout que Nicolas Fargues passe facilement d’un côté à l’autre avec talent et ironie.
Réjouissant.

Attache le coeur de Nicolas Fargues, 2018 chez P.O.L. 150 pages, 16 €.

Texte © dominique cozette

Le retour du beau Fargues

Au pays du p’tit dernier, opus de Nicolas Belle Gueule Fargues (voir photo hé hé) ne parle pas d’un endroit où aurait été élevé un petit garçon, pas du tout, mais de notre beau pays la France. Car ici, on ne peut s’empêcher de se basher, de tout minimiser ou critiquer et que donc, tout est vu petit : petite virée, petit café, petite bouffe etc…
Dès le départ, le livre peut laisser pantois : est-ce un bon livre, est-ce un bouquin insupportable écrit par une tête à claques prétentieux ? On ne sait pas. En tout cas le héros l’est, sacrément prétentieux. Queuteur de première et prédateur majuscule, cynique absolu ayant tout vu et connaissant sur le bout du prépuce la moindre minette, ce qu’elle va dire / faire, comment ça va se terminer. Il s’en bat les ventricules car la morale et la délicatesse sont les moindres de ses soucis. Il ne voulait pas d’enfant mais il en a un qu’il néglige, il ne veut pas d’attaches mais il a une (deuxième) femme amoureuse qu’il trompe allègrement mais à qui il envoie des SMS gentils pendant une scène de fesses. Comme on dit dans la culture télévisuelle « on ne se projette pas » dans une telle histoire.

Le bon côté du livre, c’est que le narrateur est sociologue et qu’il a décortiqué dans son livre en promo une critique terriblement acerbe et caricaturale de notre société française actuelle, avec tous ses petits et gros travers (de porc), ses tics, son auto-dénigrement qui empêchent le pays de s’en sortir, de penser positif. A le lire, on rit beaucoup et très jaune, pour le coup on s’y identifie et ça fait mal aux seins ! Il décrit tellement bien tout ça qu’on a envie que le livre existe.
Sinon, il y a aussi une histoire de sexe avec une jeune étudiante russe qu’il rencontre lors d’un colloque à Moscou et à qui il va donner une bonne leçon de séduction. Monsieur je-sais-d’avance-tout-sur-les-nanas se comporte d’une façon extrêmement calculatrice — avec les prix de tout ce qu’il dépense luxueusement pour l’épater tout en la méprisant — en même temps il s’inquiète de ses nouveaux troubles de l’érection même s’il n’a que la quarantaine, et de sa peau qui se relâche ! le bellâtre. Mais les filles les plus connes ne sont pas plus connes que les mecs les plus nases et elle ne lui envoie pas dire. Aïe, ça va faire mal !
C’est du Nicolas Fargues, bien écrit, bien ficelé et même fignolé, ça se lit sans faim.
Lien sur un autre texte sur Fargues ici.

Au pays du p’tit de Nicolas Fargues, 2015 chez P.O.L. 233 pages, 16 €.

Texte © dominique cozette

 

Très courtois, Nicolas Fargues !

En effet, la courtoisie qui fait partie de son titre — la ligne de courtoisie — c’est l’extrême obligeance d’un écrivain à faire court quand il n’ a rien à raconter. De faire court et stylé. L’exercice de Fargues est époustouflant. Certainement très agaçant pour d’autres qui peuvent allègrement critiquer son ampoulage et ses affèteries mais c’est drôle, tellement la caricature est forcée.
Je ne sais pas si ce bouquin est bon, je ne crois pas, franchement, mais il m’a bien distraite en ces temps où on se fout des torgnoles à travers la tronche, où on se bourre-pif de sondages croisés et où on s’injurie à longueur de chroniques, de twitts et de temps de parole.
Chez le beau Nicolas Fargues (ben oui, il est beau), on retrouve la vraie vie, c’est à dire la vie chiante et morne d’un écrivain solitaire au creux de sa vague, maniaque de la propreté, qui décide de s’installer (fuir) à Pondichéry quelques temps. Juste avant, il organise un dîner d’adieu pour ses proches qui n’en ont rien, mais rien, à foutre ! Son fils est le prototype de certains petits cons d’aujourd’hui, mou du canapé, lâche et fuyant. D’ailleurs, la lâcheté est une des seules choses transmises par le père qui ne veut jamais de vagues, qui se fait donc gentil avec tout le monde pour ne pas déplaire… Il y a la fiancée du fils, une pétasse à bustier et yorkshire, son frère — avec femme ethnique très douce —  toujours aussi critique surla vie stupide que mène le héros, alors que lui, avec son job sûr … Sa fille, bof bof etc…
Le lendemain, même punition avec son éditeur, chaleureux au temps des succès. Quant à ses parents, des petits étriqués, naturellement. Banal, certes, mais les portraits sont super léchés, jusqu’à la bave.
Parti en Inde où il affronte l’adversité d’un endroit inconnu où il se fait avoir dans les grandes largeurs, il revient en trombe pour un problème de pension alimentaire qui promet de peser lourd sur son avenir d’auteur sans idées… C’est dans un bureau de poste qu’il ose enfin se rebeller … bref espoir d’une vie peut-être meilleure.
(La ligne de courtoisie est le trait tracé sur le sol pour se tenir en retrait devant certains guichets).

La ligne de courtoisie par Nicolas Farges chez P.O.L. 2012. Imprimé en 2010 (???) dans l’Orne. 166 pages écrites gros.
Texte et dessin © dominique cozette

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