Hamnet, amour fou, drame indicible

Poussée par l’élogieuse et unanime critique de l’émission le Masque et la Plume, je me suis offert Hamnet de Maggie O’Farrell. On est à la fin du seizième siècle, dans la campagne anglaise, près de Stratford. Un gantier réputé du coin, violent et malhonnête, est poursuivi par ses nombreux créanciers. Pour compenser une de ses dettes, il envoie un fils, le moins estimé de lui, comme précepteur auprès d’une fratrie de paysans, pour leur apprendre quelques humanités. Et celui-ci tombe amoureux d’une des filles de la ferme, toujours pieds nus avec une crécerelle (sorte de faucon) perchée sur l’épaule. Agnès est une personne très singulière :  elle vit avec la nature, sait utiliser les plantes pour soulager les malades, prédire l’avenir des gens en leur pinçant la peau mais ne s’intègre pas à sa belle-famille, une famille reconstituée par son père après la mort en couches de sa mère chérie. Elle n’en s’en console pas. Contre toute attente, elle va tomber amoureuse de cet homme fluet et sans fortune. C’est un amour profondément partagé avec projet de mariage que seront obligés d’accepter les parents des deux amants car elle est enceinte.
C’est le début de leur histoire mais pas du récit qui est entrecoupé de « flash-forwards » (le contraire de flash-backs) où l’on voit un de leurs enfants, Hamnet, chercher du secours partout comme un fou car sa jumelle est tombée brusquement très malade. Ses symptômes sont ceux de la terrible « pestilence », la peste qui confère aux victimes une odeur putride insupportable. La maison, qui est celle de belle-famille d’Agnès est vide, tous sont partis vaquer à leurs obligations, Agnès soigne un malade et son mari est à Londres où il « fait » du théâtre. Le mari qui n’a pas de prénom dans ce livre, ni de nom, il est appelé le père, le mari, le fils.  Il est en fait William Shakespeare.
L’autrice ne se considère pas comme une biographe, elle a fait énormément de recherches pour retrouver quelques traces de la vie de Shakespeare. Et elle a tricoté son roman autour des maigres éléments qu’elle a glanés. Mais elle ignore de quoi est mort Hamnet, à onze ans, peut-être de la peste. Ce qu’elle n’ignore pas, c’est la vie qu’on menait à cette époque lointaine, les conditions sociales des gens de peu et des bourgeois mais aussi, et c’est extraordinaire, de ce que la nature produit et dont savaient se servir nos ancêtres pour améliorer leur vie, se nourrir, se soigner, se guérir. Son écriture est superbement riche et fleurie, on dirait de la dentelle tellement elle est gracieuse et sophistiquée. Parfois on aimerait accélérer un peu le récit (j’avoue : je suis une impatiente) mais il ne le faut pas. Car ce qu’il est conté avec force détails, c’est aussi l’amour immarcescible d’un frère et d’une sœur arborant la même âme et le même visage, dont ils se servent pour tromper son monde, c’est le deuil impossible d’une mère pour son enfant et la culpabilité toujours présente de n’avoir pas su le protéger du pire et c’est  le deuil muet du père qu’il finit par exprimer dans une pièce de théâtre.
Ce superbe livre a a été couronné de prix prestigieux.

Hamnet de Maggie O’Farrell, 2020. 2021 aux Editions Belfond, traduit par Sarah Tardy. 368 pages, 22,50 €

Texte © dominique cozette

Des livres pour Nabilla #7

CH’EXPIRE (SHAKESPEARE).HAMLET

Cet Anglais au nom impossible a réécrit une légende du Danemark. C’est un royaume tout pourri, et ça n’arrête pas de s’entretuer, de s’empoisonner, de faire des trucs pas clairs. Un peu comme à Marseille.
Comme il n’y a pas de U tube, on ne peut rien voir de tout ça mais le pitch en gros c’est que le héros, Hamlet, a appris que son oncle a tué son père (son daron) pour épouser sa mère. Alors il veut le venger mais fait une bavure, une nana en meurt, d’autres se transpercent, ça n’arrête pas.
Hémoglobine et ketchup à volonté.
Un moment, il se retrouve avec un crâne dans la main en train de se demander s’il vaut mieux être ou ne pas être. En anglais, ça fait : to be or not to be, that is the question (ne pas prononcer le t).
C’est un vieux truc en costume où les hommes avaient des barboteuses et les femmes, des seins sous le menton. Faut aimer.

Texte et image © dominique cozette

NB : Nabilla est un terme générique pour « icône à faibles connaissances ».

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