Singulières amours impossibles d'Angot

Car dans le « roman » de Christine Angot, Un amour impossible, on note le singulier alors que l’auteure tente de démêler les pelotes dont sont faites les amours principales qu’elle vit ou dont elle est témoin : l’amour d’une fille pour sa mère, d’une mère pour sa fille, et d’une femme pour un homme, le père de sa fille donc qui est aussi son violeur.
Ça m’ennuie de dire du bien de cette écrivaine qui fut tellement arrogante à une époque mais je dois reconnaître qu’elle écrit terriblement bien. Si on ne connaissait le nœud de l’histoire, l’inceste, on aurait l’impression d’avoir le décor et les personnages mais sans l’histoire.
Car le début est sobre : la rencontre entre cet homme qui se veut d’un milieu élevé et de cette très belle femme. Ils s’aiment et il la prévient qu’il ne l’épousera jamais. Il est cependant d’accord pour lui faire un enfant, Christine, donc, qu’il mettra du temps à reconnaître. Ils ne vivent pas dans la même région, se voient peu, parfois pas du tout jusqu’au jour où elle apprend qu’il s’est marié et qu’il aura des enfants. Effondrement.
Christine vit sa vie d’enfant dans ce que Rachel, sa mère, appelle une famille, elles ne sont que toutes les deux, éprises l’une de l’autre et confiantes, même si elles doivent déménager de la belle maison de la grand-mère décédée pour un appartement de la ZUP. Puis l’installation à Reims où Christine n’est plus née de père inconnu, où elle passe de Schwartz à Angot. L’irréparable se profile alors.
Puis la sale période entre elles deux, Christine ne peut plus dire maman, rester avec elle, manger avec elle. A cause des non-dits concernant l’inceste. La mère essaie inlassablement de réparer cet amour, de s’excuser de n’avoir rien vu, rien dit, rien fait mais ça ne recoud pas la plaie.
Enfin, bien plus tard, quand la mère a 80 ans, elles s’expliquent, elles peuvent en parler, Christine a trouvé sa théorie sur le pourquoi de cet inceste. Qui a quelque chose à voir avec le fait que Rachel est juive et modeste, ce qui cadre parfaitement bien avec les souvenirs enfouis. Car, depuis l’inceste et aussi son mariage, Rachel n’a plus voulu évoquer cet homme qu’elle avait tant aimé. Sa mort l’a laissée indifférente.
C’est donc la fin du livre, sa résolution, pourrais-je dire, qui donne tout le piment à l’ouvrage, qui explicite la sorte de tranquillité apparente du début. C’est une très belle fin, c’est finalement un livre superbement construit, comme un film au montage très cut, très méticuleux, qui laisse parfois sur sa faim tant il est taillé « au plus près de l’os » (comme on dit aujourd’hui) et qui n’ennuie jamais.

Un amour impossible par Christine Angot chez Flammarion, 2015. 218 pages, 18 euros.

Texte © dominique cozette

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