Jouissive Nouvelle Vague

Jean Seberg, Brigitte Bardot, Belmondo et Gabin, Maurice Ronet, Jean-Pierre Léaud, Delphine Seyrig, Michel Piccoli, Romy Schneider, Sami Frey, Yves Montand, André Dussollier, Jean-Pierre Bacri… j’en passe, et là, je ne cite pas les réalisateurs présents dans Nouvelle Vague de Patrick Roegiers, dont le premier est … une réalisatrice, Agnès Varda qui, la première de cette période, s’est affranchie de tous les codes pour son premier film — elle ne les connaissait pas — La Pointe Courte avec Philippe Noiret débutant et Sylvia Montfort. Agnès mesure 1m50 (l’auteur va nous donner la taille de tout le monde, c’est drôle) et a tout fait toute seule, sauf le montage. Elle demande alors à Resnais de le lui faire moyennant … un repas par jour.
Tout le livre te file des petits bonbons de réminiscence des années diablement pétillantes du cinoche français, bonbon que tu n’a pas le temps de sucer qu’un autre, autre goût, t’arrive, mélangeant les bobines, mettant en abîme, inventant du début à la fin un dialogue entre Dussollier et Bacri visitant des appartements pour que Resnais, justement, y tourne On connaît la chanson.
On a le plaisir d’y retrouver Maurice Ronet, 1m84 alors que Belmondo n’en fait que 1m79. et de savoir où tout ce petit monde habitait et avec qui. On y apprend que Sylvie, oui, la Vartan, aurait dû tourner avec Godard à la place de Karina. On y voit tout ce petit monde bouffer avec les adresses des restos, et ce qu’ils disaient les uns des autres.
Et puis quelques apparitions d’importance, pas très Nouvelle Vague, comme Rohmer aux jambes d’échasses et Sautet, incapable d’écrire une ligne, le seul réal qui ait accepté d’adapter les Choses de la vie, parce qu’il y a un foutu accident trop casse-gueule à mettre au point. Cet accident, il est décrit en plusieurs pages et on découvre comment il a été fait, on en voit quelques petites erreurs (deux numéros différents pour la même ambulance) et les inventions sophistiquées palliant la pauvreté des outils d’effets spéciaux de l’époque.
On y entend aussi des dialogues entre Sautet et Montand, le premier tentant de convaincre le chanteur de jouer dans ses film car Montand n’appréciait pas le rôle de cocu de César et Rosalie ou de larbin dans Garçon !
On le savait, mais c’est bien raconté, qu’Eric Rohmer a pris ce pseudo pour ne pas contrevenir à la morale hyper catho de sa mère qui le croyait prof de français dans un lycée de province. Elle est morte sans avoir su ni vu un film de son fils.
Quant à Godard, 1m72, il a acheté le synopsis de A bout de souffle à Truffaut, qui y voyait plutôt Brialy, pour 10 000 anciens francs, rien, quoi, mais Godard n’avait pas plus. Il se fait naturaliser suisse à vingt ans pour échapper au service puis revient en France pour ne pas faire le service suisse. Fauché de chez fauché, il pique du fric dans les poches de ses potes et les caisses des Cahiers du Cinéma.
Bon, je ne vais pas tout vous raconter sinon je recopie le livre. Sachez que ça m’a régalée de côtoyer tous ces talents, ce beau monde et cette époque bénie d’un cinéma spontané, tellement divertissant et surtout, toujours vivant !

Nouvelle Vague de Patrick Roegiers, 2023 aux éditions Grasset. 430 pages, 24 €

Texte © dominique cozette

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