C’est pas que je critique le fait de raconter son enfance quand elle a été merdique, pour ne pas dire merdeuse comme celle de Céline, mais j’en attendais plus. Plus d’originalité ou alors un point de vue différent. Marc Safranko a publié Dieu bénisse l’Amérique (God bless Amerika) chez 13ème note, une édition très noire et captivante qui nous livre des Dan Fante, Buko, Burroughs junior formidables. En poche, la collection s’intitule Pulse.
La préface, plus l’introduction du livre ont été overpromising, comme on dit dans la pub, la barre a été très haut placée et du coup je me suis sentie flouée. En même temps, c’est agréable à lire, les chapitres sont courts et les anecdotes amusantes. Peut-être qu’il faut lire ça avant sa majorité parce qu’il y a quelques crudités, rien de bien méchant.
A vrai dire, j’ai eu l’impression, en entrant dans l’enfance du héros, de connaître l’endroit, comme si j’y étais passée déjà plusieurs fois. Ben oui. C’est une famille pauvre d’émigrés polonais, pas juifs, qui tire le diable par la queue, sachant qu’elle ne s’en sortira jamais. Mais espère qu’au moins, Max, le gaillard, porte un peu d’espoir, en Amérique, c’est possible. Mais Max, depuis qu’il a été conçu par accident, est devenu le bouc émissaire de ses parents, tabassé constamment et injurié par son père, dévalorisé par sa mère. Chétif, maladif, il n’en mène pas large avec les autres garçons et devient souvent leur souffre-douleur. Jusqu’à ce qu’un autre endosse l’habit et en devienne cruellement victime, à mort.
Chez lui, dans la vieille bicoque pourrie, rien ne va, tout ce qui arrive de pénible est de sa faute. Les pannes de voiture, le temps qu’il fait, la mort du tonton…
En classe, ça ne marche pas fort. le père sort la boîte à gifles pour lui apprendre les maths et, comme de bien entendu, ce n’est pas une bonne méthode. C’est une école de soeurs très strictes, armées de baguettes pour les corriger — ou se faire corriger par eux—. Mais elle est mixte et l’enfant se découvre une passion insensée pour une fillette qui le détestera fermement.
Et puis la sexualité qui s’éveille, la quéquette qui n’arrête pas de jouer le redressement productif mais qui peine à entrer en contact avec la fente où mettre la pièce.
Pour aider à sortir la tête du sac, il doit bosser avant la classe et durant les vacances dans des endroits pourris : c’est une véritable petite Cosette maintenant, mal ou peu payé, enguirlandé, jamais remercié.
Ce qui est bizarre, c’est qu’il a un petit frère. A part nous le faire savoir une fois, on n’en entend plus jamais parler. Il n’existe plus. Et pourtant, on nous le montre en photo dans les pages du début, ils sont d’ailleurs assez jolis garçons tous les deux.
A la fin, on a droit à la postface qui explique encore pourquoi ce livre est formidable. Trop de com tue la com. Et, il faut bien le dire, ce livre est assez banal. Quant à la couverture, avec le fessier plat d’un sexagénaire arborant un bikini taillé dans le drapeau US, il n’incite pas à l’achat.
Mark Safranko. Dieu bénisse l’Amérique. Edition Pulse 13ème note 2009. 396 pages.