Marie-Blanche, noire saga haletante !

Jim Fergus, venu en France pour la promo de son succès Mille Femmes Blanches, y rencontra une dame qui avait connu sa mère. Marie-Blanche, d’origine française, fille de Renée, française, qui connut un destin bien tragique. Jim, qui en savait forcément long sur l’alcoolisme de sa mère, fit des recherches sur les deux femmes, retrouva le journal de sa mère et tricota ce que furent leurs deux vies, faites d’excès et d’incompréhension. Ce livre vient de sortir.

Comme dans un  montage cut, le récit alterne l’histoire de l’une et de l’autre, comme s’il fallait comparer la force de caractère de l’une à la dévalorisation de soi de l’autre. Née en France à la fin du XIXème, Renée fut donnée clandestinement à un couple d’aristos stérile. Joviale et futée, la petite observa la nature humaine de ses différentes cachettes et ne tarda pas à découvrir la turpitude de sa mère qui s’envoyait en l’air avec son beau frère, un homme capricieux, audacieux, brutal et priapique. Elle en fit son modèle de vie : savoir comment faire pour obtenir ce qu’elle voulait quels qu’en soient les moyens. Cet oncle deviendra son père adoptif à tendance pédophile, puis son amant et son mari. Riche producteur de coton sur la Nil, il forme la nièce à sa vie et, comme c’est raconté crument, à son vit à la taille impressionnante. Renée, bien que surveillée, n’en fera qu’à sa guise et se servira de cet homme  — qu’elle aima passionnément — pour assouvir ses désirs d’argent, de fête, de séduction. Un mariage forcé plus tard, elle décide d’avoir un enfant, puis un autre car le premier, Marie-Blanche, ne lui convient pas. Elle les abandonnera au père pour suivre un don Juan mais, chaque fois qu’elle verra cette enfant ratée, elle ne se privera pas de lui répéter comme elle est moche et bête.

Cette pauvre Marie-Blanche n’aura pas forcément une enfance malheureuse, et sera récupérée par un de ses beaux-pères, riche industriel américain (d’où la nationalité de l’écrivain). On réussit à la fiancer à un aristo de belle engeance mais le père de celui-ci veut lui faire goûter ses meilleurs vins. Elle finit fin saoule, se vomissant dessus et couchant avec le frère du fiancé. Fin des beaux projets. Un jour, secrètement, elle épouse un bel homme tendre « mais » sans fortune. Il l’emmène vivre dans un bled. Et malgré l’amour et la gentillesse, l’alcool va  ruiner sa vie. C’est la père (dont Jim Fergus ne parle pas) qui s’occupe des trois enfants dont l’un, le préféré forcément, est mort faute de surveillance à 7 ans. Drame, reproches, culpabilité…  Marie-Blanche fait cure sur cure mais elle replonge sans cesse dans l’alcool  jusqu’à se suicider. L’histoire ne dit rien de l’enfance forcément dramatique de l’écrivain.

Passionnant, très bien écrit, avec force descriptions, dialogues et traits d’humour, ce pavé nous embarque dans une extraordinaire épopée à cheval sur trois continents et plus d’un siècle, auprès de personnages forts en gueule, outranciers, sans gêne et vraiment infréquentables !

Texte © dominique cozette

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