Pas fou l’amour mais mieux

L’amour de François Bégaudeau m’a régalée. Pas dès le début, un peu plus tard. Ça raconte tout une vie conjugale entre deux êtres pas exceptionnels, qui ne font rien de faramineux mais vivent comme tout le monde, de petites choses très quotidiennes mais que le talent de l’auteur met en relief. « Du coup », moi qui suis visuelle, je vois toutes les saynètes qu’ils déroulent comme des cases de BD, ligne claire, sans chichi mais expressives comme du Margerin, dans Ricky Banlieue ou Lucien par exemple, avec tous les petits objets et marqueurs d’époque. Et il se trouve que ce couple est de ma génération, celle de l’après guerre qui a inventé le yéyé, les robes longues à fleurs, les posters de Johnny et les slows de l’été.
Alors évidemment, la façon de décrire très simplement toutes les époques que Jeanne et Jacques traversent, ça me rappelle des tas de choses à moi aussi, ça m’émeut. Et je trouve que c’est un vrai tour de force que de raconter une histoire aussi banale de façon aussi bien illustrée.
Ça peut rappeler beaucoup de sketches sur les Français moyens qui faisaient rire les petits bourgeois mais c’est plus fin, sans cynisme, sincère et c’est ça qui est touchant.
C’est très court, c’est vite lu mais on en redemande. J’aimerais bien que Bégaudeau écrive la même chose sur un autre couple très différent. Ben oui, je suis fan.

L’amour de François Bégaudeau, 2023 aux éditions Verticales. 94 pages, 14,50 €

Texte © dominique cozette

Deux livres extra, atypiques

Il y a ce bouquin qu’on m’a prêté et que j’hésitais à ouvrir. J’aurais été la reine des pommes parce qu’il est formidable. Des 76 portraits on en connaît tous quelques-uns, de ces clodos, hobos, marginaux, comme Buko, Brautigan, Dan Fante, Michel Simon, tiens ! mais beaucoup gagnent à être découverts, des vieux morts décomposés ou de jeunes musicos encore presque imberbes, quelques femmes, si peu mais c’est vrai que l’alcool, la rue et les mauvaises manières ne nous anoblissent pas. Surtout, c’est la langue utilisée pour graver ces portrait qui vaut le détour, une langue impressionniste, cubiste, baroque, street art, fauviste, non-figurative… Je ne vous en dit pas plus, allez en lire une page chez votre libraire préféré, vous serez emballé(e) ! En plus la couv est superbe avec ce dessin de François Matton en défonce.
76 clochards célestes par Thomas Vinau au Castor Astral, 2016. 200 pages, 15 euros. Certains de ces textes sont parue dans la revue Vents Contraires du Rond-Point.

Celui-ci est étonnant. Il s’appelle l’ancien régime, et je ne parle pas d’un régime basses calories quoi que ce soit écrit très gros sur peu de pages. C’est l’histoire complètement drôlisée, farcie d’humour et de spiritualité, de l’Académie Française et de sa première immortelle, à savoir Marguerite Yourcenar, une personne sans pomme d’Adam et qui fait pipi assise… Cette petite édition, l’Incipit, ressemble un peu au dilettante et son propos est de faire raconter à de grands écrivains une première fois historique en en faisant un objet littéraire personnel. En plus, c’est instructif, ça se lit sans faim dans le tromé entre deux quêteurs ou sur le quai de Nantes TGV en revenant de l’île d’Yeu  alors que le Relais H est fermé.
Une petite citation qui se situe après la banalisation des femmes au statut d’immortelles, pour en attirer de plus contemporaines auprès des vieux messieurs : « on les supplia. On promit d’ajouter un « e » à auteur, rien que pour elle ; et même à professeur ; et même à soeur. On promit de remplacer l’épée par un sac Gucci, l’habit vert par un déguisement de Calamity Jane, les séances de dictionnaire par des cours de lap dance. »
Et tout à l’avenant (quelle belle expression !!!). Bon, bref, c’est super drôle !
L’ancien régime par François Bégaudeau, chez Incipit, 2016. 108 pages, 12 euros.

 

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