Ce qui vient de Thomas Stangl

Pas envie de faire de trait d’esprit pour titrer l’article quand on sort d’un tel texte. Edith Noublanche, sa traductrice, a découvert ce livre dans sa version allemande et est tombée en amour avec le formidable texte, à tel point qu’elle a tout fait pour qu’il sorte en français. Des mois et des mois de travail et voilà. Ce qui vient existe. Les éditions du Sonneur ont craqué pour cet auteur dont ce n’est pas le premier ouvrage mais le seul traduit en français.
Thomas Stangl est en fait autrichien, et il vit à Vienne. Je l’ai vu la semaine dernière lors d’une rencontre à la très belle librairie polonaise, à St Germain. L’entretien, mené avec brio par Edith, (photo) était tellement passionnant que je me suis jetée dans le livre à peine assise dans le métro. Le problème avec ce livre, c’est qu’il ne se résume pas. Ce n’est pas une histoire. C’est la vie, les pensées, les sensations, l’entourage de deux jeunes gens de 17 ans, à Vienne — Vienne étant l’un des personnages importants du livre. Ils ne sont pas contemporains puisqu’on est en 1937 avec Emilia, et en 79 avec Andreas. Ils vivent tous deux avec leur grand-mère, c’est à peu près leur seul point commun. Pour elle, l’arrivée du nazisme est palpable mais la vie avance. Pour lui, c’est derrière, il n’a pas connu mais en porte-t-il encore les traces ? Il est trop mal dans sa peau pour s’en être bien sorti.

Ce livre n’est pas facile. Il entrecroise les deux destinées de ces jeunes gens dans une sorte de réseau mystérieux à ramifications improbables comme quand notre pensée se perd dans des méandres dont nous seuls connaissons les tenants et aboutissants. Pour autant, on se retrouve toujours auprès de l’un(e) ou de l’autre protagoniste, à partager ses pensées intimes, ses idées infimes, ses sensations, ses goûts ou ses dégoûts, ses réflexions minuscules. Car tout est fait ici de petites choses simples, de sensations tactiles (beaucoup), d’odeurs,  de supputations édifiées telles des châteaux de sable aux bases fragiles. Le vocabulaire est simple mais les phrases sont longues, souvent complexes. Quand on apprécie, c’est mon cas, on aime les suivre comme des chemins secrets, des itinéraires rares et peu fréquentés.
Pour finir, sachez que Thomas Stangl a reçu l’insigne récompense du ministère de la culture autrichienne (si j’ai bonne mémoire) par une bourse de trois ans qui permet à de grands écrivains d’écrire, simplement d’écrire. Un écrivain tous les trois ans. C’est dire.

Ce qui vient de Thomas Stangl, traduit par Edith Noublanche. 2015 aux éditions du Sonneur. 250 pages, 17 €.

Texte © dominique cozette

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