La force des femmes et celle de Denis Mukwege

La force des femmes de Denis Mukwege (prononcer moukouégué) est le livre formidable d’un homme formidable. D’avance, je vous demande d’excuser la médiocrité de mon article qui tient au fait qu’il y a tellement de sujets, tellement de densité qu’il est très difficile d’en rendre compte. Mais je vous assure que ce livre est absolument essentiel si vous voulez en savoir plus sur l’état de la lutte contre les violences faites au femmes dans le monde entier, que ce grand  homme aborde en tentant de faire évoluer les lois et les mentalités.
Il consacre sa vie à la défense des femmes, à leur protection, à leur réparation, à leur réinsertion, c’est un profond féministe qui ne comprend pas comment des hommes peuvent infliger autant de cruauté aux femmes et aux fillettes, voire aussi aux toutes petites filles. Car la République Démocratique du Congo — qui porte très mal son nom — est l’état où le viol, comme arme de guerre, mais aussi civil, est championne, avec l’Inde.
Médecin, Mukwege s’est spécialisé dans la chirurgie gynécologique, après cinq ans d’études et de pratique en France et, malgré un poste enviable qu’on lui proposait, il a préféré retourner dans l’inconfort de son pays pour aider celles qui sont torturées sans aucune compassion. Les femmes, là-bas, ne sont pas considérées, elles peuvent mourir d’un accouchement difficile, qui s’en soucie. Même pas le mari. C’est pourquoi il a décidé de construire avec de pauvres moyens un hôpital dans un village où toutes celles qui sont blessées sont accueillies avec humanité et soignées.
Ce livre ne se limite pas aux soins et à son hôpital, il s’intéresse au sort des femmes du monde entier — un long chapitre décrit le peu de cas qu’on fait dans nos pays occidentaux des plaintes pour viol  — propose des solutions, est souvent convié à l’ONU, il y donne des conférences pour sensibiliser le monde entier au problème. Il a été couronné du prix Nobel de la Paix en 2018, ce qui a rendu sa parole plus audible.
Mais ce n’est pas tout. Mukwege veut comprendre aussi ce qu’il se passe dans la tête des tortionnaires et des hommes violents. Il consacre une bonne partie de son livre à l’étude du masculinisme, la part de l’éducation et des religions.
Il ne faut pas s’étonner que cet homme dérange. En premier dans son pays qui non seulement ne l’a jamais soutenu mais lui met des bâtons dans les roues. Par ailleurs,Trump et quelques autres dirigeants de pays totalitaires ne lui ont jamais donné leur voix pour faire avancer ses projets.
Il évoque largement aussi la non-reconnaissance des millions de femmes maltraitées, violées et tuées durant les guerres, alors qu’on s’apitoie facilement sur les grands blessés de guerre. Encore une profonde injustice.
Pour finir, ce médecin que certains pays s’arrachent, revient toujours dans son pays inconfortable car les femmes le réclament et qu’il ne peut les abandonner à leur sort. Il n’en tire rien, il ne peut pas sortit sans escorte vu qu’il a été menacé et agressé plusieurs fois. Ce livre a été achevé avant le recul du droit à l’IVG aux Etats-Unis et aussi aux crimes de guerre (viols…) perpétrés par les soldats de Poutine. On peut imaginer son découragement face au recul du respect que les hommes portent aux femmes.

La force des femmes par Denis Mukwege, 2021, traduit de l’anglais par Marie Chuvin et Laetitia Davaux. Aux éditions Gallimard. 400 pages, 20 €.

Texte © dominique cozette

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