Qui a volé la tête de Haynd ?

« Je n’ai pas parlé de tête d’ail mais de tête de Haynd si vous voyez de qui il retourne. Joseph, il s’appelait ce monsieur Haynd, c’était le John Lennon du dix-huitième siècle tant ses compositions étaient aimées et reconnues de tout les fans de la classic music. Il a eu des tas d’aventures musicales, forcément, ne pensait pas à la gloire, vivait à Vienne et pas ailleurs. Il a juste commencé à voyager à cinquante-six ans, un vieillard donc pour l’époque.
Comme il était issu d’une fratrie de douze gosses dont la moitié de vivants, il a fallu qu’il gagnât (oui, je sais, on ne l’utilise plus beaucoup, çui-ci) sa vie très jeune, il aida un vieux tromblon italien qui lui apprit quelques rudiments de composition. Le reste, il l’étudia tout seul, la nuit, entre quelques corvées ménagères. Comme il l’écrit lui-même en 1776 dans son Esquisse autobiographique : « Beaucoup de génies se détruisent à devoir gagner leur pain quotidien, car ils n’ont plus le temps d’étudier« . On en est tous là, nous, hommes et femmes de génie, on a donné.
Mais sa vie fut longue et bien remplie, voir Wiki, et sa mort fut courte. Joseph Haydn s’éteint le 31 mai 1809, à Vienne alors assiégée par les troupes napoléoniennes. Ses funérailles sont bâclées malgré sa popularité.
Plus tard, la famille Esterházy, sorte de mécènes qui l’hébergèrent jadis, propose que la dépouille soit honorée à sa juste valeur, et transférée dans une église de la ville d’Eisenstadt. Mais horreur et stupéfaction lors de l’ouverture du cercueil : il manque son crâne au cadavre !
Bien des années plus tard, au début du vingtième siècle, le mystère est enfin résolu : le crâne de notre homme avait été subtilisé par deux imbéciles, adeptes de la phrénologie, science très en vogue au XVIIIe siècle, qui étaient persuadés qu’ils trouveraient la niche donc l’explication de son génie dans son auguste crâne. Chou blanc, bien sûr.
Les gens, j’vous jure !

Texte © dominique cozette

Les yeux d’Einstein

Qui a volé les yeux d’Einstein ? Une histoire incroyable ! Figurez-vous qu’une banque de New York garde précieusement dans un coffre ultra-sécurisé les globes oculaires du génie Albert EINSTEIN.
En 1955, à la mort du physicien, son propre ophtalmologiste, le Dr ABRAMS, « dérobe » lors de l’autopsie les yeux d’Einstein et les place en toute discrétion dans le coffre d’une banque de New York.
(Dans un de ses romans « l’Identité », que je n’ai pas aimé soit dit en passant, Kundera raconte que c’est son fidèle disciple qui les aurait mis dans une bouteille d’alcool pour qu’il puisse les regarder jusqu’à sa mort).
Lorsque Michael JACKSON entend parler de cette histoire, il décide d’acquérir le fameux « bocal » pour sa collection privée d’objets bizarres. Il en offre près de cinq millions de dollars de l’époque. L’affaire ne se fait pas mais aux dernières nouvelles, l’actuel propriétaire voudrait toujours vendre …
A noter un autre « vol » en 1955, puisque le cerveau d’Einstein a aussi été prélevé et se trouve, lui, dans un coffre au Kansas.

Il faut faire confiance à la justice ah ah.

Un coup de gueule, ça faisait longtemps. Mais là, ça déborde. Oh c’est juste un tweet* scrollé par hasard, qui parle d’un père, un père magistrat, excusez du peu, pas un sans dents, un cassos, un Insoumis (ha ha), non, le vice-président du tribunal judiciare de Dijon, un type très honorable dans sa belle province — qui propose forcément à ses commensaux de se servir généreusement de moutarde — époux d’une magistrate avec qui il fréquente depuis des années des sites échangistes (chacun fait ce qu’il veut entre adultes consentants, ce n’est pas le propos) sur lesquels il a commis l’acte infâme. Qui concerne sa fille. Et figurez-vous que c’est un client du site échangiste, choqué vraisemblablement par la  proposition, qui l’a dénoncé ce chouette papa.

Bien sûr, il y a des dénonciations qui peuvent mettre mal à l’aise, pas toutes, je suis pour #metoo, mais laisser faire sans rien dire, je ne trouve pas que ce soit plus moral, en tout cas, fermer les yeux n’a jamais été efficace. A voir le nombre de personnes condamnées par rapport aux personnes agressées, violées ou tuées, aux enfants surtout qui n’ont pas les mots. A voir le chemin de croix dans lequel s’engagent les plaignant.e.s lorsqu’elles cherchent de l’aide, notamment celle de la police ou de la justice, à savoir que ces personnes sont souvent soupçonnées d’être (un peu ?) responsables de ce qui leur arrive, à avoir vu pleurer des hommes solides comme des rugbymen évoquant les violences d’entraîneurs ou de curés sur leur jeune corps…

à constater comment le silence fait la part belle à la culture du viol et de l’inceste. Le silence est la principale cause de la perdurance de ces crimes.

à entendre les voix adverses, principalement issues du patriarcat, ou de partis radicaux, ou du monde des puissants ou juste de petits phallocrates pas forcément violents qui ne savent peut-être même pas pourquoi on les ennuie avec ça,

à ne pas en croire mes oreilles lorsque Elisabeth Badinter elle-même s’est mise dans le camp des bien-pensants qui s’indignent qu’on se mêle des affaires privées et que, bon sang, les victimes n’ont qu’à « prendre leurs responsabilités », c’est à dire ne pas attendre que la prescription soit effective pour porter plainte. Merde (non elle n’a pas dit merde mais l’a pensé) « mais quand même, dix ans, ce n’est pas si mal ».

se dire que des gens d’importance dans la lutte contre les violences en sont encore à ignorer — alors que c’est dit, su, avéré, raconté, filmé — à ignorer donc le refoulement des événements traumatiques durant souvent plus de dix ans. Qui surgissent brusquement dans la vie brisée des victimes, leur permettant de comprendre pourquoi elles ont été aussi mal toute leur vie,

et de continuer à entendre cette phrase « il faut faire confiance à la justice », seule façon autorisée par ces honnêtes moralisateurs de régler le problème. C’est cela :  faire confiance à la machine judiciaire tellement dégradée qu’il faut attendre des mois, voire des années son jugement. Et encore à condition que l’accusé présumé innocent ne fasse pas appel, ce qui décale d’autant l’éventuelle condamnation, remet tout en cause, laisse le crime impuni pour encore combien de temps…

et puis savoir que si tu es plaignant.e, si le présumé innocent (quand je pense que PPDA, après 90 récits de viols à ce jour est malgré tout présumé innocent) a les moyens de démolir ta vie avec ses trois avocats stars, de mettre en pièce ton intimité comme ton corps l’a été, de faire douter la partie adverse sur ta moralité,

c’est la colère alors, la rage, l’indignation.

Tout ça parce que j’ai eu connaissance d’un fait qui montre bien comment marche « la justice de notre pays de droit » comme ils disent, à qui il faut faire confiance. Même si l’accusé est immonde. Voici le fait :

Un magistrat de Dijon, il s’appelle Olivier Bailly, offrait sa fille de 12 ans à qui voulait bien sur des sites coquins. En 2019 et 2020. En première instance, en mars 22 (donc deux ans après la dénonciation) il avait pris deux ans de prison, dont un ferme. Je le redis : pour avoir proposé à des hommes  d’avoir des relations sexuelles avec sa fille de 12 ans. Pas cher payé. Et  fin septembre, ce magistrat bon père de famille voit sa peine allégée par la cour d’appel de Besançon. Il ne fera finalement que du sursis.

Il y a très peu d’article, la presse n’en parle pas beaucoup. Vérifiez sur le net, vous verrez. Donc, mis en examen en 2020. Puis appel et hop, allègement  de la peine. Des juges très cléments pour leur pote car l’art. 227-2 du Code pénal prévoit que « Le fait de favoriser ou de tenter de favoriser la corruption d’un mineur est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

Je relis l’article du Monde, car ce n’est pas tout : il a proposé sa fille de 12 ans sur des sites libertins pendant neuf mois. Pas une petite fois comme ça, en passant, pour être chouette avec un pote désireux de bouffer de la chair fraîche et à l’origine garantie. Oui mais c’était mon enfant, je suis son père, elle m’appartient, j’en fais ce que je veux, ça ne regarde personne. Mais il ne proposait pas que des rapports sexuels. Tant qu’à faire dans le trash, dans le monstrueux, on va pas se contenter de caresser son minou, ah non, il y a des truc plus marrants à faire, l’agresser par exemple, lui faire du mal comme vous voulez, comme vous le sentez, c’est vous le mec bon dieu ! Si vous trouvez que j’exagère, lisez ses verbatims ci-dessous qui sont à gerber, mais comment peut-on demander à des mecs de faire ça non seulement à son enfant, mais à n’importe quel enfant, à n’importe quelle personne. C’est tellement immonde.

Quelques verbatims :

«Tu vas la forcer» répétait le magistrat à ses interlocuteurs. Il leur suggérait qu’elle soit «humiliée», qu’ils urinent sur elle, qu’ils s’y prennent à «plusieurs», voire qu’ils la mettent dans un «réseau de pédo».* Dans ce dossier, Médiapart précise qu’aucun interlocuteur d’Olivier Bailly n’a été inquiété. Aucun de ces hommes ne sera mis en cause durant la procédure. «Une occasion manquée», regrette l’avocate de l’association Agir contre la prostitution des enfants. Il est vrai qu’il n’y a pas eu, heureusement, de passage à l’acte. Ça n’excuse rien.

Et sinon, heu… Ah si. Ce brave homme, bon époux, magistrat important, people respecté dans sa ville, a deux autres enfants, par contre, il n’a plus le droit d’exercer (ça c’était avant l’appel). Il ne doit plus approcher de mineurs pendant dix ans. Mais il habite toujours sa maison avec ses enfants !!! Oui, bon on ne va tout de même pas priver ce notable de son petit confort de vie. Et c’est-y pas drôle ça, qu’il ne soit même pas déchu de son autorité parentale ?

Sinon, comment vit la jeune fille ?  Oh, elle n’a pas à se plaindre, elle aurait dû recevoir 5000 balles de dommages et intérêts, en première instance, notez, mais peut-être qu’après l’appel, cette somme a été négociée à la baisse ou purement et simplement annulée. Et les deux autres enfants, et sa femme, et son entourage ? Il va encore acheter son journal sans se cacher ? On lui donne toujours du mon cher confrère s’il va jouer au golf ? Je m’interroge.

Ah j’oubliais son avocate, une femme donc, Pauline Neveu (est-elle maman ?) qui avait alors, en mars, plaidé sa relaxe. Vous me direz, c’est son boulot.

Alors oui, assaillants divers, harceleurs, violeurs, qu’avez vous à craindre de la justice de notre pays de droit, dont certains justiciables d’ailleurs se trouvent parmi les hautes instances de notre pays. Hé bien continuons à lui faire confiance.

* Tweet de Karl Zéro, Obs du 17/09/21.

Texte © dominique cozette

Le blouson de Françoise Hardy

Mais que fait ce blouson sur le dos de ces deux filles qui ne se connaissent pas ? N’est-ce pas le blouson que Françoise Hardy arborait sur une célèbre couverture de Mademoiselle Age Tendre, MAT pour les connaisseuses, probablement photographiée par Jean-Marie Périer, alors compagnon de la chanteuse, ou pas car devenue celle de Dutronc mais restée une des meilleures amies du photographe ? On devait être en 65 ou 66, j’étais à la fac de droit, choix de mon paternel — qui peut imaginer une seconde que la fille que j’étais ait eu l’idée sotte et grenue d’entrer dans ce mouroir à créativité qu’était ce bâtiment d’une laideur absolue sis rue d’Assas ? — Là, étudiaient les jeunes minets costumés et cravatés, jetant les juteuses bases d’une carrière prometteuse, dans la politique ou les affaires, quelques futurs maîtres du barreau aussi, ainsi que des jeunes filles bien mises aux cheveux denses retenus par de fiers serre-tête en velours, fouillant de l’œil discrètement maquillé le grand amphi bourré jusqu’à l’estrade les jours où officiait l’icône de l’époque, Maître Maurice Duverger, dans l’espoir d’y repérer celui qui leur ferait plus tard de beaux enfants blonds comme sur les photos de Jours de France et les emmènerait à la Baule ou au Croisic manger des crêpes complètes. Je vous rassure, je n’y ai connu personne et le fait que je suis venue dans cette maudite fac en blouson clouté et  jeans n’a rien changé.
Bon. Donc le blouson.
J’étais encore, malgré ma maturité de bachelière, assez souvent fourrée à MAT, j’aimais ces filles pétillantes, cette ambiance open-spacy rigolote de rédaction où s’accumulaient, fringues, pompes, books de mannequins, où passaient les photographes, où j’aidais parfois à trier des courriers, où je me projetais aussi comme potentielle future journaliste, où arrivaient plis et paquets livrés par un très jeune mec, Yves je crois, un titi parigot souriant, moustache naissante et gouaille d’un Jean-Pierre Léaud fin d’ado, le coursier de Salut les Copains et MAT. Un type adorable. Et c’était son perfecto. Il avait inscrit dessus Françoise Hardy, l’avait customisé, il était unique et avait tapé dans l’œil de je ne sais qui, qui eut l’idée d’une photo avec Françoise dedans. Oui, Yves avait bien entendu : Françoise porterait son blouson. La photo fut faite.
Et comme j’adorais les blousons noirs et les vêtements de cuir, je lui demandais s’il pouvait me le prêter aussi, à moi, pauvre inconnue sans aucune garantie de ne pas me voir disparaître avec. Et vous savez quoi ? Il me l’a prêté quelques jours, le temps de frimer à Assas, sauf que ça ne faisait pas de moi le genre de nana sur lesquels ces minets fantasmaient, et de demander à ma sister de me faire quelques photos avec. Je lui en fis aussi, d’ailleurs. Vous remarquerez que l’une fume et l’autre pas et c’est drôle de penser que nos principales chanteuses de l’époque yéyé étaient tellement sages. Aucune des icônes, Sylvie, Françoise, Sheila, France Gall plus tard, ne fumait, ne faisait de frasques, ne provoquait de mini-scandales mondains ou ne se dopait comme les petites Anglaises d’en face, comme le fera plus tard Jane, drogue exclue. Juste, elles portaient parfois un blouson noir.
Je n’ai pas pu résister à l’envie de le faire figurer sur la couverture de mon livre, recto-verso avec ça. Regardez bien, c’est écrit FIN, au dos, clouté à la main. La fin de quoi ? Sûrement pas la fin des haricots !

Texte © dominique cozette.

La nana aux dreadlocks et l'homme masqué

Ce matin, pour aller faire mes courses, je traversais la place des Vosges. Sous les arcades, j’avise une femme de belle allure, svelte, vêtue d’une redingote cintrée et de leggins noirs, de grosses chaussures de sport, les chevilles nues grâce aux mini-soquettes. Elle a une belle chevelure très brune mi-longue tout en dreadlocks bien ordonnées autour d’un joli visage. Je sortais du soleil et, dans l’ombre des arcades, je n’avais pas remarqué un accessoire important près d’elle : une sorte de charrette faite d’un assemblage de trottinettes où étaient joliment amoncelés des pièces d’habillement de couleurs vives, plusieurs gourdes de métal et autres objets mal définis.
dans un élan d’empathie, je mets la main à mon sac et lui dis que je peux l’aider. Je comptais lui donner un billet.
– M’aider ?
– Oui, vous donner quelque chose car je donne plutôt aux femmes …
– (elle sourit) : Ah non, ce n’est pas la peine. Je n’ai besoin de rien.
Et là, je vois le désastre buccal : elle n’a plus que quelques dents espacées sur les mâchoires et c’est tellement dommage de voir les dégâts sur son beau physique. Je lui demande ce qui lui est arrivé, comment s »est-elle retrouvée dehors.
Elle me réponds, d’une jolie voix claire, avec les mots de quelqu’un de bonne culture, qu’elle vient de Bruxelles, qu’elle est médecin et qu’elle a décidé de s’intéresser aux personnes précaires.
– C’est courageux ! Et vous faites quoi ?
– Je regarde comment elles sont traitées. Les voitures qui n’y font pas attention, les gens aussi. Je suis avec elles, quoi.
– Mais vous faites quoi ? Vous écrivez ?
– Oui, j’ai des blogs.
– Ah, ça m’intéresse, je peux les consulter ?
– Vous savez, les blogs, ça tombe. Je suis médecin. Et si vous voulez savoir ce que j’écris, vous n’avez qu’à lire les articles de Michel Cymes. J’écris quelque chose et le lendemain, c’est Michel Cymes qui les met dans son journal.
– Vous voulez dire qu’il vous pille ?
– Oui, c’est ça, il me pille.
S’ensuivirent quelques propos dont je ne saisis pas bien le sens. Je lui ai ai souhaité une bonne journée tandis qu’elle choisissait quel foulard appliquer sur son visage.
Lorsque je suis revenue plus tard, elle avait tombé la redingote et portait un petit haut bien échancré qui mettait en valeur sa jolie silhouette…

Plus loin, un homme masqué s’efface pour me laisser entrer dans un passage. Je le remercie joyeusement et il me dit :
– C’est bizarre, quand même, ces façons de s’éviter, maintenant.
– Oui, drôle de mode, d’autant plus que je ne porte pas de masque puisqu’il n’y en a pas ! Je fais très attention !
Attendez, dit-il en ouvrant sa grande sacoche. J’y aperçois une grosse liasse de masques bleutés. Je commence par refuser, alors il me dit : je suis infirmier, ne vous inquiétez pas, ils sont propres et j’en ai beaucoup.
Merci l’infirmier. Me voici à la tête d’un deuxième masque à usage unique. Je n’oserai pas m’en servir…

 

Parlons masque…

Paraît que ça va être obligatoire. Le masque. A défaut de pouvoir m’en procurer,  je vais porter ce masque, un authentique masque de Dali qu’il a offert à ma sœur en 1966. Parfaitement ! Cette année-là, mon père m’avait filé son énorme Beaulieu, six places, moteur V8, phare au plancher et changement de vitesses au volant, rutilante, un paquebot des routes et nous partîmes à quatre blondes, cap sud, à Cadaquès exactement, avec un chèque en blanc pour la location, un petit appartement avec vue sur la plage. A peine garée, sur qui tombé-je ? Sur Simon le philosophe rencontré  au bal de la Contrescarpe du 14 juillet ! Et que me m’annonce-t-il ? Qu’il se rend illico chez le Maïtrrrre Dali himself, alors que si ça m’amuse… Et comment donc !
Me voilà partie avec un vieux jeans coupé aux genoux et un T-shirt quelconque, le truc pour conduire à l’aise quoi. Nous arrivons à Port LLigat où l’ours géant nous accueille avant que le Maîtrrre nous prie d’entrer. Il est dans le patio avec Jean-Christophe Averty auquel il est fier de montrer son dernier chef d’œuvre géniââââl : un flacon de Vim cabossé sur lequel il a collé quelques mouches en plastoc. Magnifique ! dit l’homme aux bébés passés  à la moulinette.
Introduite dans le saint des seins et des godes (la chambre des gouines en offre une affriolante collection), je suis régulièrement invitée à ses soirées où ma jeune sœur et moi-même avons l’honneur de chanter deux trois chansons à la guitare et mon harmonica en do en haut d’un petit escalier blanc.
Un soir, tard, ma sœur, pas encore habituée au champagne, attrape ce masque sur un banc, qui sert à un film en tournage, et se met à déclamer le Roi des Aulnes en allemand. Vous savez : Wer reitet so spät durch Nacht and Wind… qu’on apprenait par cœur en allemand deuxième langue. Tout s’arrête, même Wagner, tout le monde regarde cette adolescente qui déclame sans vergogne du Goethe dans le texte… le Maîtrrrre, un peu amorti dans son fauteuil Emmanuelle, s’ébroue, il est ravi, il applaudit et pour la peine,  fait cadeau du masque à sa sister.
Non seulement on n’en fait pas un plat, mais surtout on en fait une lampe : facile, deux bouts de fil de fer, deux clous et l’ampoule nue de notre chambre prend la forme d’une créature inquiétante illuminée de l’intérieur. Et l’ampoule est chaude, ça crame le masque. Bon, tant pis. Et puis on va vivre notre vie, ma sœur met le masque avec d’autres vieilleries.  Puis, quand nos parents sont morts et qu’il nous faut vider la maison, nous tombons sur le masque de Dali, tout chiffonné, patiné. Ma sœur le jette comme tout le reste. Oh mais non, le masque de Dali quand même ! Et je le récupère. Et voilà des siècles que je le trimballe de maisons en maisons dans une jolie boîte, enveloppé de papier de soie.
Aujourd’hui où il est question de masques obligatoires, je veux le lui rendre mais refuse : Encore un fouilles en plus, merci bien ! Alors bon, je vais finir par le porter, je ne dis pas qu’il est très confortable, ni très seyant, si très approprié, mais c’est le masque de Dali, quand même !
(Si vous voulez me braquer pour en tirer une fortune, il ne vaut rien, il n’est même pas signé, je me suis déjà renseignée, vous pensez !)

PS : Jamais retrouvé Simon le Philosophe par la suite à Paris, un garçon charmant. Ce premier jour, il m’a raccompagnée à l’appart et pour le remercier, je l’ai fait monter, lui ai présenté mes sœurs et la copine et nous lui avons proposé un bon café. Car les trois blondes avaient vidé la voiture et fait les courses pendant ce temps-là. Un bon café, certes, à en juger par le sourire de connaisseur de Simon. Puis l’une de nous en avale une gorgée et recrache tout, dégoûtée : on ne savait pas que l’eau du robinet était saumâtre !

Texte et photo © dominique cozette

Effet positif du virus : Gene est revenu !

C’est une photo agrandie 157 fois, au moins. La pelloche qui ne provient pas d’un rouleau 24×36 semble issue d’un vieux Kodak à soufflet mais je ne peux pas croire une seconde que je me suis pointée à l’Olympia en 63, au fameux Milk Shake Show avec cette antiquité et que j’ai photographié Gene Vincent avec ça.
Je profite du confinement pour trier un carton plein de négatifs non identifiés, ça marche — mal mais ça marche — sur mon vieux scan, après tu agrandis, tu fais pomme i pour avoir le positif, tu vas à donf sur le contraste et les courbes de corrections et, miracle ou pas, une image se fait péniblement jour. Et ce petit truc grisâtre d’un cm sur ma plaque négative blanche devient le grand Gene, enfin, si on veut car à ce show, il était sacrément chargé !
Ce show, ode au lait, était gratuit pour les yéyés qui avaient collectionné assez de capsules de bouteilles de lait. J’avais. Et j’étais dans les tout premiers rangs. Il y avait nombre de groupes choupinets comme les Pirates avec le mignon Dany Logan qui chantait « je bois du lait ». Qui d’autre ? Je ne sais plus. Sauf, bien sûr, the big one, le créateur de Be Bop A Lula, Eugene Vincent Craddock (oui, c’est son vrai nom), rescapé d’un terrible accident de voiture où est mort le non moins pionnier du rock et meilleur ami, Eddie Cochran, et dont lui, Gene, gardera les profonds stigmates sur une jambe. Une jambe raide, donc, sous son fute de cuir dont il a piqué l’idée à Vince Taylor qui était dans la voiture de derrière…
La salle est électrique, le rideau de l’entracte tarde à se lever, le suspense est à son comble quand soudain, le velours rouge frémit. Les New Blue Caps, ses musiciens, sont sur scène, waouh !!! et entament avec force énergie Say Mama. L’idole du rock se pointe en titubant vaguement, en boitant forcément, le cheveux gramouillé comme ça se faisait, le cuir noir luisant, la face blanchâtre. Il s’accroche au pied de micro comme un coronavirus au pékin moyen, inspire, ouvre la bouche et lance :
« Hey mama, don’t you treat me wrong
Come and love your daddy all night long
All right now, hey hey, all right »
qui est, comme chacun sait, l’immense succès de Ray Charles. Ce n’est pas Say Mama, composé par Gene himself et qui dit :
« Say Mama can I go out tonight?
Say Mama would it be all right?
They got a record party down the street
Say Mama cant you hear that beat
Whoaaaaaa »
et dont la grille harmonique est violemment différente.
D’où une sacrée cacophonie.
D’où gêne non pas de Gene mais des musiciens qui ne comprennent pas ce que le retour leur renvoie.
D’où un jeune homme de bonne famille, petit neveu de Bruno Coquatrix, monté de Melun pour voir le monstre, vêtu d’un costume cravate acheté sur les Grands Boulevards et chaussé de … hum, je m’égare. Un jeune homme qui vient tendrement arracher le rocker complètement stone du pied de micro et l’embarque dans la coulisse. Roulement de batterie, accord en 7ème 9ème plus diminuée et shuntée.
Rideau.

Une voix nous demande de rester assis, nous présente des excuses, nous informe que Gene étant fatigué, il doit se rétablir backstage, nous invite à aller dans le hall où nous seront offerts des milk-shakes dans des petites bouteilles avec paille en papier avant que le concert reprenne dans un court instant.
Il reprend une éternité après. Say Mama, Crazy legs, Blue jean bop, Lotta lovin etc… et finit en apothéose avec Be Bop a Lula.
j’ai fait mes quatre photos foireuses pendant ce tour de chant, celle que je vous présente est la seule regardable mais je suis bien contente de l’avoir sortie de son oubli grâce à la trêve covidienne qui s’annonce.
Et j’en profite pour vous glisser celle où je pose, à la sortie, avec ses fameux Blue Caps, des gens charmants, sur le boulevard des Capucines. Bénéficiant d’une pure lumière extérieur/jour, elle est plutôt réussie.
Très aimé du public français, Gégène est mort en 71 à seulement 36 ans. J’ai encore mes albums et 45 tours qui moisissent dans un grenier.
Texte et photos © dominique cozette

 

La liberté d'importuner ? Et celle de ne pas l'être ?

J’ai bien sûr lu l’article du Monde « laisser aux homme la liberté d’importuner les femmes« , qui n’aurait rien de polémique s’il était le fait d’une personne, un coup de gueule quoi, mais il s’agit de la prise de position d’une pluralité de femmes, d’une sorte d’injonction à ne pas adhérer au mouvement actuel de libération de la parole des femmes venu de différentes nations. Elles citent tout ce qu’on a entendu dire ces dernières semaines sur le féminisme pur et dur, « puritain », qui nous renverrait vers des censures allant des peintures de Schiele, au licenciement d’un homme parce qu’il a effleuré le genou d’une femme. Ce qui, à ma connaissance, ne s’est pas passé en France.
Il va de soi qu’une femme « évoluée », qui tient une grande place dans la société et les medias, qui ne prend pas le métro quand il est bondé, qui n’est pas soumise à un petit chefaillon vaguement lubrique, qui n’a pas peur de perdre son salaire, qui n’a personne pour la protéger, qui voit une menace quand un relou l’importune et qui, si elle n’y répond pas fortement, clairement, féministement, peut entraîner sa responsabilité lors d’un « dérapage » subséquent, il va donc de soi que ces signataires ne sont, en vérité, que peu importunées. Ça reste un jeu de séduction*  comme il est dit dans l’article : « ils n’ont eu pour seul tort que d’avoir touché un genou, tenté de voler un baiser, parlé de choses « intimes » lors d’un dîner professionnel ou d’avoir envoyé des messages à connotation sexuelle à une femme chez qui l’attirance n’était pas réciproque. »
La tribune est clairement le credo de femmes libres, indépendantes, sans complexes, ayant appris à se défendre. Il est dit aussi : « une femme peut, dans la même journée, diriger une équipe professionnelle et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat ». Pourquoi n’ont-elles pas écrit : « une femme peut, dans la même journée, faire des ménages, travailler à la caisse chez Auchan, être au chômage (bon, allez : être graphiste, infirmière, exploitante agricole) et jouir d’être l’objet sexuel d’un homme, sans être une « salope » ni une vile complice du patriarcat ». Ça aurait marché aussi, le ridicule en plus, car qui dénie le droit de jouissance entre adultes consentants ? Il n’y a pas de camera dans les lieux privés ou coquins, que je sache.
Ce coup media me rappelle la tribune  qu’avaient signée les « 343 salauds pour le droit à la prostitution », qu’ils ont regrettée ensuite, après mûre réflexion.
Pour être claire, de mon point de vue, il n’y a aucun sens à « assurer aux hommes la liberté d’importuner » :  ceux qui savent le faire continueront (on a vu leurs réactions navrantes lors de l’affaire DSK), les autres resteront sobres et corrects. Il n’y a aucun sens à demander aux femmes (et aux législateurs) d’être plus cool : quand on t’emmerde (ça veut dire quand on t’importune, en poli), ça t’énerve, ce n’est pas excitant, ça peut te faire peur, ça peut aussi te faire craquer pour que cesse la pression (ce qui arrive souvent, bien sûr sans que la femme y prenne du plaisir).
Je propose donc une idée : que celles qui sont pour la liberté des hommes à les importuner portent un badge. Et qu’elles fichent la paix aux autres qui n’ont pas envie de ça.

* Etre importunée par des hommes n’est pas un jeu pour tout le monde. Je parle en connaissance de cause et confirme qu’on peut très bien être séduite et conquise par des hommes sans qu’ils n’aient besoin de nous importuner. C’est très simple, ça s’appelle le respect. Par ailleurs, je n’ai pas souvenir d’avoir cédé à un homme qui m’importunait. Mais c’est personnel.

Texte et illustration © dominique cozette

Gloire aux petits bras !

On n’en parle jamais des petits bras fins. Les petites flûtes adolescentes. Les jeunes biscottos malingres. Quel poète, quel aède, quel chantre a osé dire à une jeune fille qu’elle avait des bras ravissants ? Sans le risque d’une baffe car un tel éloge pourrait sous-entendre que le tout reste, yeux, bouche, seins, nuque, taille, hanches, fesses, jambes, chevilles, oreilles, pieds, voix, nez etc… est vaguement daubé.
Donc, les petits bras …

Oui, les bras d’adolescentes montées en graine, ces brindilles maigrelettes, voire anorexiques so Eléonore Klarwein, diaboliquement menthe !
Puis qui  s’épaississent doucement pour passer au stade Léa Seydoux, Adèle Exarchopoulos, Audrey Tautou,…
Et puis, il y a les très honnêtes bras des créatures ensorcelantes, les femmes femmes exhibant leur moelleux rondelé, comme celui des cuisses, des seins, de la petite couche de graisse ventrale. C’est joli aussi mais c’est alors plus Romy Schneider, Sophie Marceau.
A l’heure où les petites nanas farfouillent pour dégotter la chouette robe dénudée qui va mettre en valeur en cette fin d’année leurs juvéniles humérus, les ex-ex-ex-petites-nanas-baby-boomeuses vont s’emmitoufler dans un plaid 100% cachemire à 425 € chez Merci ou 9,99 chez Toupourien (garanti bourré d’électricité statique) pour roupiller devant les multiples bêtisiers censés leur faire finir l’année dans une cascade de rires à bouche que veux-tu (moi ? … non, non, rien… faut juste que j’aie le courage de me sortir de mon Cinna / mon Clic-clac pour aller au lit), on peut se poser la question : pourquoi les petits bras ne sont pas plus chantés, honorés, fêtés, focusés, comme le seul (et rare) gage de fraîche jeunesse de son innocente propriétaire ?
Oui pourquoi ? Je pose la question.
Quelques égéries, largement dépassés les 50, 60 balais mais conscientes du pouvoir d’attraction d’un tel morceau de roi, ont su le garder maigre, le gringalet, telles Arielle D., Karen Ch. ou encore madame la première dame, qui n’hésitent jamais à porter une petite robe sans manches — sans manches mesdames et messieurs — et à continuer d’exhiber cet endroit du corps que je ne saurais voir sans un frisson de terreur dans l’hypothèse d’un éclairage imparfait ou d’un soleil ruisselant au zénith : gare alors au terrible effet chauve-souris ou à la rédhibitoire ridularité de ce petit spot intime qui ne devrait jamais sortir nu en ville à l’âge canonique, toujours fixé à 40 ans même si on est encore canon à cet âge, mes bien chères sœurs.
(Il paraît que ça se peut se dégraisser ou lifter mais il ça coûte un bras.)

Si cet article vous a passionné(e)s, je vous parlerai prochainement de la taille des oreilles qui s’accroît avec l’âge.

Texte © dominique cozette.

Enorme ! J'ai bossé près d'un cacabeurk !

En réorganisant ma bibliothèque, je tombe sur FCA 85, un livre qu’avait fait faire Jean Feldman pour promouvoir son agence. Il avait fait monter un mini studio de photo dans l’agence pour tirer le portrait de tous les collaborateurs. Tout le monde y est, du coursier au PDG, en passant par le chien de l’acheteuse d’art ! Comme son nom commence par Z, il est à la dernière  face au chien Kodak, la mascotte. Je n’en crois pas mes yeux ! Comment ? Eric Zemmour ???? Eric Zemmour aurait bossé comme chef de pub dans mon agence et on ne m’aurait rien dit  ! Eric Zemmour aurait pris le même ascenseur ! Eric Zemmour m’aurait même peut-être adressé la parole ! J’aurais partagé de l’air avec Eric Zemmour ! C’est énorme ! Mais que ne l’ai-je écrasé d’un coup de talon de mes Santiags, comme un nuisible qu’il est ! Pourquoi l’avoir laissé vivre ! Incroyable !!!
Remarquez, je ne m’en souviens pas du tout. Il est passé dans ma vie professionnelle de façon aussi discrète qu’une chiure de mite à l’autre bout de Paris. A l’époque l’agence avait déménagé à Suresnes, on venait de la rue du Louvre, pas loin de la Cloche d’Or (un fameux bar à vins), de la première boutique d’agnès b. et du pied du cochon. Voyez l’ambiance. Il fallait que nous retrouvassions nos marques (que pour ma part, je n’ai jamais retrouvées, je suis repartie assez vite dans une agence des Halles). Alors Eric Zemmour et ses petits dossiers clients et ses petits tickets resto et ses petites chaussures pointues, voyez comme je m’en tapais.
Pour être bien sûr que c’était LE Eric Zemmour haïssable que nous connaissons, j’ai vérifié son CV sur le net. Hé bien rien sur la pub. Sa carrière  commence après, à un âge pas si jeune. Il a tout gommé le traitre. Mais cette photo, réalisée par Alain Vivier, très bon portraitiste inconnu du Web, apparaît dans son tronchoscope, sans commentaire.
C’est tout ce que j’avais à dire sur le charisme avorté de cet individu. Un(e) ex- FCA se souvient-il/elle de lui ? A-t-il au moins dépassé le stade de la période d’essai ? En tout cas, pas le stade sadique anal !
Pour vous montrer comme je ne regardais pas les cacabeurks, je vous joins ma photo parue dans le livre. J’étais équipée des célèbres Wayfarer qui filtrent les saletés et autres indésirables. Je ne les quittais pas du nez. Ceci explique cela.

 

 

 

 

 

 

 

Photos Alain Vivier. Texte © dominique cozette

 

 

 

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